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Légion étrangère, la discipline rigoureuse qui y règne, l’humanité des chefs, le bien-être des soldats. S’il en était autrement, comment expliquerait-on un fait qui s’est produit à plus d’une reprise ? La règle, lorsqu’un homme se présente pour entrer dans la Légion étrangère, est de ne lui demander ni sa nationalité, ni son nom, ni son âge : il en dit ce qu’il veut. Aussi, plus d’une fois, un mineur s’est-il engagé et a-t-il été réclamé par des ayans droit auxquels, vérification faite, il a été toujours immédiatement restitué : mais quand ce légionnaire prématuré a eu atteint l’âge de la majorité, sachant fort bien où il allait, il est rentré dans la Légion. Nous laissons aux journaux allemands le soin de rechercher et de dire pourquoi.

A notre avis, c’est que la Légion étrangère n’est pas ce qu’on dit de l’autre côté de la frontière. Sans doute, et par suite de sa constitution même, la composition en est mêlée. A côté de nombreux aventuriers, il y a des hommes qui, ayant dans leur vie quelque chose à cacher, à faire oublier, à oublier eux-mêmes, poursuivent une réhabilitation qu’ils ne trouveraient pas ailleurs et font ce qu’il faut pour y atteindre. Pourquoi ne pas dire aussi, — et c’est peut-être ce qui déplaît le plus à l’Allemagne, — qu’il y a là des Alsaciens-Lorrains qui aiment mieux servir sous le drapeau français que sous le drapeau impérial et qui composent l’élément le plus sain de la Légion. Mélange, avons-nous dit, mais si ce mélange n’avait pas en fin de compte de hautes qualités morales, d’où lui viendrait son héroïsme sur les champs de bataille ? Partout ailleurs, les hommes qui ont une mauvaise nature font de mauvais soldats : les légionnaires sont presque tous des soldats excellens. En quoi donc serait-il immoral et contraire au respect dû à la dignité humaine, même dans sa déchéance, d’ouvrir à des hommes qui y viennent de leur plein gré un refuge où l’inspiration qui domine est celle de l’honneur militaire ? S’il y a des erreurs, des abus, — il peut y en avoir partout, — qu’on veuille bien prendre la peine de les constater sérieusement et qu’on nous les signale : nous y porterons remède. Mais la Légion étrangère est une vieille institution, qui a toujours bien rempli sa fonction dans notre armée et y a été quelquefois glorieuse : ce n’est pas en la calomniant qu’on nous fera douter de son mérite. Nous avons lu dans les journaux allemands des conversations d’hommes politiques, de membres du Reichstag, et qui même ne sont pas les premiers venus, empreintes d’une violence de sentimens et d’une brutalité d’expressions sans aucune mesure. On annonce des interpellations parlementaires. Aurons-nous vraiment le spectacle inconvenant d’une discussion, dans