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péchés, les possesseurs de ce livre oubliaient de s’adresser à Dieu et péchaient davantage. Ils allaient aux recettes de Salomon, guérissaient mal, et mouraient séparés de Dieu. Salomon, qui avait été sage, lorsqu’il fit ce livre était savant et fou. Il s’était marié plus que ne le permet la vertu des fines herbes qu’il connaissait si bien. Le bon roi Ezéchias fit chercher tous les exemplaires du livre de son prédécesseur et les brûla jusqu’au dernier. Notre bon Jésus a remplacé le pernicieux ouvrage par un autre livre, infiniment plus savant et plus vainqueur et qui se résume en un seul mot afin que tout le monde le puisse savoir toujours : prenez ma croix. Voilà la vraie science, la vraie lumière, le remède de la vie et de la mort. Je prends ma part de vos peines pour en avoir mon profit, et je prie Jésus de vous guérir en récompense de votre sagesse qui est de souffrir. Vous le savez, vous le voulez, vous avez la patience et vous serez guérie. Puisse votre grande et chère prisonnière le savoir et le vouloir de plus en plus ! Alors elle triomphera, et ses chères étoiles viendront à son front, comme l’a prédit cette mourante, et elle en sera couronnée éternellement. Cette prédiction est très belle et j’y crois. Mais il faut le concours actif de la volonté. Les mourans, lorsqu’ils ont les yeux sur le crucifix catholique, voient très loin. Ce crucifix met l’homme à sa vraie place d’homme, c’est-à-dire de pécheur. Alors l’homme n’est plus roi, n’est plus parent, n’est plus rien qui puisse inspirer la terreur ni l’espérance. Il excite seulement la pitié et la charité, et l’on fait tout ce que Dieu veut en désobéissant tranquillement au pécheur pour sauver l’homme. Que de chrétiens ont versé leur sang pour sauver aussi le pécheur qui leur demandait follement de ne pas écouter Dieu, et par cette action généreuse ont racheté leur bourreau ! Dieu se rendra obéissant à ceux qui le craignent. Je pense qu’on ne manque pas d’en instruire la belle âme dont vous me parlez ; c’est à nous de prier pour qu’elle entende. Quelle gloire dans le ciel et même dans le monde, au cœur héroïque qui, par le temps de scélératesse insensée où nous vivons, saura témoigner ainsi de sa foi et de son amour, et que pourra refuser Dieu à l’humble créature qui aura ainsi fortifié et illuminé ses frères ! Dieu donne un monde à qui lui donne une âme : refusera-t-il une âme à qui lui donne un monde ? Il faut laisser tout conseil humain, toute prudence, abandonner d’avance tout ce que l’on n’emporte pas