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bas, aucune part du trafic ne devant s’égrener en route, tout le trafic étant du trafic à distance entière acquittant la totalité de la taxe correspondant à la totalité des parcours. Il n’y aurait aucune difficulté à envisager le passage annuel d’une dizaine de millions de voyageurs et de pareil chiffre de tonnes de marchandises, sans avoir à se préoccuper des difficultés techniques d’acheminement et d’une utilisation intensive des voies du tunnel, qui deviendrait comparable aux utilisations que le chemin de fer du Nord par exemple réalise couramment sûr ses grandes artères aboutissant à Paris.


LES CONSEQUENCES ÉCONOMIQUES DE L’OUVERTURE DU TUNNEL

Pour beaucoup de gens, le tunnel sous la Manche doit surtout servir à supprimer le mal de mer... ce qui n’est pas déjà si négligeable. Il y a quelques années, le journal Punch publiait une caricature mettant en présence la maritime Albion et le père Neptune. Le père Neptune disait : « Regardez, madame, j’ai toujours été votre protecteur et maintenant j’entends dire que vous avez l’intention de miner mon empire, » et l’Angleterre qui tenait dans sa main un trident, « le sceptre du monde, » répondait : « Eh bien ! le fait est que je désire voir un plus grand nombre de mes amis et que je ne suis jamais très bien quand j’ai eu le mal de mer, »

C’était au fond la pensée qu’exprimait la grande reine Victoria, alors qu’on lui parlait du projet de tunnel et qu’elle répondait : « Vous pouvez dire à l’ingénieur français que s’il parvient à faire cela, je lui donne ma bénédiction en mon nom personnel et au nom de toutes les ladies de l’Angleterre. » Si le tunnel supprime le mal de mer, il aura pour résultat plus important d’augmenter dans des proportions considérables les relations qui existent non seulement entre l’Angleterre et la France, mais encore entre l’Angleterre et le reste du Continent. Les grands tunnels comme ceux du Semmering, comme le Mont-Cenis, le Saint-Gothard, etc., correspondaient à une idée économique d’une portée plus considérable que les tunnels ordinaires. Il s’agissait, non plus de permettre à un chemin de fer de traverser plus ou moins économiquement des obstacles naturels, mais encore de créer des relations entre les deux pays qui