Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/645

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour accroître leurs profits ils organisèrent les premiers voyages à prix fixe, suivant le procédé moderne des agences Cook, pour la clientèle bourgeoise, disciplinée en caravanes dont ils étaient les guides. Moyennant 250 francs par personne de Paris à Lyon, en 1630, le messager garantissait à chacun le cheval de selle, capable de porter en croupe avec lui 26 kilos de bagages, le gite et la nourriture. Un prix supérieur était dû par ceux qu’accompagnait une grande malle de bois, calculée « pour être la juste charge d’un cheval. »

« Cette voie, nous dit un contemporain de Louis XIII, est bien la plus sûre pour l’adresse des chemins, pour les voleurs et même pour l’épargne, n’étant point sujet par ce moyen au rançonnement des hôtes ni au soin des chevaux, qu’il faut avoir sur les chemins plus grand que de soi-même. » Seulement il faut être pressé ; le messager ne mettait que huit jours, mais sa compagnie n’était nullement bonne à qui « voyage par plaisir et curiosité. On ne peut rien voir des lieux où l’on passe, n’arrivant qu’à la nuit et partant devant le jour, outre la fatigue qu’apportent ces longues traites. » Sorti de Paris dans la matinée, on arrive à 3 heures après minuit à Milly-en-Gastinais, pour y coucher, après avoir chevauché 16 heures pour faire 14 lieues. Le deuxième jour on va coucher à Montargis, « petite ville, mais la plus ressemblante à Paris qui se voie en tout le chemin. » La troupe se composait de deux gentilshommes dont un « sortait de page, » d’un Polonais, d’un mercier de Lyon et d’un avocat du Roi à Draguignan, soit 7 personnes avec le messager et le chanoine, qui nous confie une grave incommodité de cette locomotion : la vie commune avec des gens « ramassés un peu partout, lesquels sont d’ordinaire ou plaideurs, ou marchands, ou nobles errans ; de sorte qu’un honnête homme est exposé à l’humeur barbare et rustique des uns, ou bien à l’insolence des autres. » Le souper, les lits, étaient chaque soir autant d’occasions d’ennuis, de querelles et de farces singulières.

Un quart de siècle plus tard, sous Mazarin (1657), de jeunes Hollandais, venant eux aussi avec le messager de Calais à Paris, moyennant 130 francs par tête, entrent dans les mêmes détails : ils se plaignent de la saleté des draps donnés par des hôtes, des bourbiers où l’on tombe en chemin et où l’on est « amplement mouillé jusqu’à la chemise. » Cependant on n’allait qu’au pas et les laquais suivaient à pied.