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nelle, Newton a fait l’anatomie de la lumière blanche, depuis qu’on l’a disséquée par le prisme et divisée dans ce tamis subtil qu’est le spectroscope, on sait qu’elle est formée par la superposition d’une infinité de radiations différentes. Ces radiations dans l’air et dans le vide se propagent toutes à peu près avec la même vitesse de 300 000 kilomètres par seconde, de même que toutes les notes d’une symphonie jouée au loin mettent le même temps à atteindre notre oreille, ce qu’elles font, rappelons-le, à la vitesse de 331 mètres à la seconde, un million de fois moins vite que la lumière. Ce qui distingue entre elles les diverses radiations lumineuses, c’est le nombre de fois qu’elles vibrent par seconde. Pareillement, les différentes notes d’un violon correspondent à des vibrations plus ou moins rapides de ses cordes, ou encore, et pour prendre une comparaison qui évoquera mieux ce qu’est la lumière, c’est ainsi que deux serpens peuvent progresser sur le sol avec la même vitesse, bien que les ondulations formées par leurs corps souples en rampant puissent être beaucoup plus nombreuses et fréquentes chez l’un que chez l’autre. Un rayon de lumière blanche, un rayon solaire par exemple, est ainsi comparable à une colonne infiniment rapide et déliée de serpens multicolores qui marche vers nous d’un trait et avec la vitesse de l’éclair. Ceux de ces serpens qui ondulent le plus vite produisent sur notre rétine, lorsqu’ils la viennent mordre, la sensation du violet, ceux qui ondulent le moins rapidement nous donnent celle du rouge. Entre ces couleurs extrêmes s’étage toute la gamme des vibrations que la nature, sans doute pour aider nos écoliers, a bien voulu disposer dans un ordre propre à faire ce mnémotechnique et célèbre alexandrin :

Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.

Les rayons rouges les plus lents vibrent environ 375 trillions de fois par seconde ; les rayons violets les plus rapides, environ 750 trillions de fois, c’est-à-dire deux fois plus. L’ensemble des rayons auxquels l’œil est sensible comprend donc environ une octave, si on veut nous permettre cette expression d’acoustique[1]. Mais aux deux extrémités de cette octave visible, il y a encore dans

  1. L’oreille à ce point de vue est un organe plus riche et d’une sensibilité plus étendue que l’œil, puisqu’elle perçoit le son sur un intervalle de près de douze octaves. En outre, elle a l’avantage de séparer et de distinguer spontanément les composantes d’un son complexe, tandis que d’un rayon lumineux composite l’œil ne reçoit qu’une sensation unique qu’il ne peut pas analyser sans l’aide d’artifices optiques. En revanche, l’œil reprend sa supériorité sur l’oreille, dès qu’il s’agit de l’intensité des sensations perceptibles.