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abandonner une partie de son territoire : l’Europe lui en aurait imposé le sacrifice. La Macédoine était d’avance perdue pour elle. Les fières déclarations des Puissances au sujet du maintien quand même du statu quo ne lui causaient pas beaucoup d’illusions. Elle pouvait espérer conserver l’Épire ; les succès des Grecs la lui ont enlevée. La Thrace devait lui rester et lui reste en effet, et avec la Thrace elle garde un pied, plus qu’un pied en Europe. Elle est toujours une Puissance européenne, diminuée sans doute, capable cependant de faire encore figure, pourvu qu’elle reconstitue son armée et lui rende quelque chose de ses vertus d’autrefois. L’étendue de son empire asiatique lui permet d’en réunir une beaucoup plus considérable que ne le comporte son territoire européen. Elle se vante aujourd’hui d’avoir 300 000 hommes à la porte de Constantinople. Le chiffre est peut-être exagéré, sans toutefois qu’il ait rien d’invraisemblable, et c’est devant cette menace que la Bulgarie a cédé. Il n’est d’ailleurs nullement impossible que la Porte trouve un jour des concours parmi les alliés d’hier et qu’elle puisse s’appuyer sur l’un d’entre eux contre les autres. La Bulgarie était épuisée sans nul doute ; elle ne pouvait opposer aucune résistance au vainqueur ; cependant la quantité de ses sacrifices et la facilité de sa résignation ont étonné, au point qu’on s’est demandé s’il n’y avait pas déjà, en vue de projets communs, quelque entente entre Constantinople et Sofia. On connaît les déclamations véhémentes du général Savof contre les Grecs. Ne disions-nous pas avant cette guerre que les peuples balkaniques se détestaient beaucoup plus les uns les autres qu’ils ne détestaient les Turcs ? Il ne semble pas que ce qui s’est passé depuis ait modifié leurs sentimens réciproques. La meilleure garantie d’une paix provisoire n’est pas dans la sagesse des gouvernemens et des peuples, mais dans leur épuisement militaire et surtout financier. La guerre a fait périr les hommes par centaines de mille et les escarcelles sont vides. Le matériel de guerre est usé ou détruit. Tout a besoin d’être renouvelé. Nous savons d’avance de quel côté on se tournera pour avoir de l’argent, et nous n’en donnerons qu’à bon escient. Mais, même avec de l’argent, il faut du temps pour refaire ce qui a été défait.

Le danger, en ce moment, est du côté de l’Albanie : on signale des engagemens meurtriers, sur la frontière, entre les Albanais et les Serbes. Des combats entre eux sont chose si habituelle, si commune, si banale, que le phénomène, en soi, n’a rien de particulièrement alarmant ; toutefois, les agences s’accordent à dire que les Albanais sont dirigés par des officiers autrichiens et bulgares et, si le fait est