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vain mot elles polémiques des journaux, bien qu’elles soient quelquefois très vives, ne parviennent pas à agiter l’opinion. Elle reste calme, attendant la rentrée des Chambres sans impatience, indifférente, un peu sceptique, en somme satisfaite et confiante, dans les régions du moins où la récolte a été bonne et où les intérêts matériels continuent de prospérer.

Seul ou à peu près, l’infatigable M. Clemenceau sonne à tour de bras la cloche d’alarme et pousse des cris stridens qui se répandent dans l’espace, sans y soulever aucun émoi. M. Clemenceau est toujours jeune ; les années ne pèsent pas sur lui et il retrouve ses ardeurs d’autrefois pour attaquer à la fois le ministère et le Président de la République. On sait ce que lui a fait M. Poincaré ; il n’a pas écouté ses conseils au moment de l’élection à la Présidence ; il s’est présenté sans son aveu, contre son aveu même. Mais on est moins renseigné sur les motifs qui rendent son opposition aussi féroce contre M. Barthou. Sans doute, il y a une circulaire que, comme ministre de l’Instruction publique, M. Barthou a adressée aux recteurs au sujet des livres de classe ; elle donne une garantie de plus au bon choix de ces livres en laissant aux intéressés, dans l’espèce aux pères de famille, le temps d’en prendre connaissance et de présenter sur eux leurs observations ; mais, en fin de compte, l’autorité universitaire en décidera demain comme elle le faisait hier. Nous reviendrons sur cette circulaire qui sera sans doute l’objet d’une interpellation, car M. Clemenceau est sénateur et il annonce les intentions les plus belliqueuses. Il aura cependant de la peine à faire passer M. Barthou pour un traître à la laïcité de l’école, surtout après le discours qu’il vient de prononcer à Aix-les-Bains, au banquet de la Ligne de l’Enseignement, et qui est, certes, laïque à souhait : aussi attendons-nous la bataille annoncée sans grande inquiétude sur son résultat. Les questions scolaires soulèvent d’ailleurs des problèmes autrement graves dont se préoccupent les esprits sérieux, mais M. Clemenceau aime la petite guerre : il se contente de la faire avec de grands moyens. Il a déniché un autre traître, non plus cette fois à la laïcité de l’école, mais au principe de la séparation de l’Église et de l’État et, le croirait-on ? ce traitre est M. Baudin. Après cela, on ne sait plus à qui se fier. La question du vendredi saint dans la marine prend, sous sa plume abondante et virulente, des proportions formidables. Sans le savoir, il parait que nous allons à Canossa. Et pourquoi ? Sous le m’nistère Waldeck-Rousseau, le ministre de la Marine de cette époque, M. de Lanessan, avait adressé une circulaire aux commandans