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a peu de part dans la vie qu’il nous représente : toute la puissance de son art se concentre dans cette représentation. Mais alors elle essaie d’égaler l’étendue et la complexité de son objet. Ce sont des existences entières que nous déroulent des romans comme The Old Wives’ Tale, Clayhanger et Hilda Lessways. Chacun des deux premiers a deux volumes et le troisième est la suite du second. Lui-même aura une suite. C’est une espèce lie cycle. A proprement parler, Hilda Lessways ne continue pas Clayhanger, mais en reprend plutôt certaines parties, qui reçoivent des développemens plus importans et ordonnés par rapport à Hilda, tandis qu’Edwin est la figure centrale dans l’autre roman. Certaines scènes que l’auteur s’est borné à esquisser dans celui-ci sont traitées plus au long dans celui-là ; tel détail important nous manquerait si nous ne lisions que l’un des deux. N’est-il pas curieux et significatif, ce procédé grâce auquel la fiction prend les apparences d’une histoire vraie, dont tout n’a pas été dit d’abord et dont successivement les divers aspects se dévoilent ? Voilà un procédé dont ne s’accommoderaient guère nos exigences d’ordre logique. Il ne choquerait pas moins notre goût de rapidité et d’action. Nous admettrions malaisément sans doute des lenteurs qui ont pourtant un grand charme quand on a la patience de s’y abandonner et qu’on pénètre ainsi à leur suite dans l’intimité des gens et des choses. Ne nous hâtons donc pas de considérer comme un défaut ce qui est, au contraire, excès : excès de précision dans le détail, excès de minutie dans l’analyse. Le détail, il est vrai, manque peut-être parfois d’intérêt, d’importance ou de signification. Pareillement, il peut arriver à l’analyse de distinguer des nuances qui ne valent pas d’être notées. Mais comment ne passerions-nous pas sur l’abus d’une force dont l’usage nous donne une telle impression de vérité et réalise de tels miracles ? Ne demandons pas aux romans de M. Arnold Bennett les qualités dramatiques auxquelles nous ont habitués, — trop habitués, — les nôtres. Ceux-là nous offrent une diversité d’incidens et de personnages qui ont les uns et les autres en eux-mêmes leur intérêt. Les figures principales ne sont pas asservies au mouvement de l’action, ni les figures secondaires sacrifiées aux figures principales. Chacune est à son échelle, tout simplement. Dans cette mesure, la jeune servante Florrie n’est pas moins réelle ni moins vivante que sa maîtresse Hilda, et les tragiques souffrances de