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L’ESPAGNE EN 1913


Le traité de Paris, qui a dépouillé l’Espagne de ses dernières colonies de l’Amérique et du Pacifique, fut un cruel sacrifice ; on ne saurait prétendre cependant que cette réduction de territoire ait ouvert une de ces blessures dont la cicatrice même demeure éternellement douloureuse. La métropole dut abandonner ses îles, comme jadis ses possessions continentales, parce qu’elle s’obstinait en des routines meurtrières : les Cubains luttèrent dix ans (1868-1878) avant d’obtenir les modestes franchises enfin accordées par Martinez Campos ; puis l’entente fut vite dénoncée et de nouvelles hostilités éclatèrent, préface de la séparation (1898).

Ce que le gouvernement espagnol a perdu, l’hispanisme, en fait, l’a conservé. Délivrées des anciennes tutelles, le premier mouvement de ces jeunes sociétés fut de copier leurs institutions sur celles des États-Unis , de la doyenne des républiques américaines ; à l’essai, autant que les conditions internationales le leur permettent, elles se rapprochent de leurs origines latines ; la liberté les ramène vers la métropole dont l’abus de l’autorité les avait éloignées. Nous n’avons pas à raconter ici l’évolution des nations latines d’Amérique ; bornons-nous à constater qu’elles sont, au début du XXe siècle, une des réserves d’énergie les plus précieuses de l’humanité ; ces filles émancipées font honneur à leurs parens d’Europe. Quant à l’Espagne elle-même, allégée d’un poids mort, elle entre décidément dans une période de rénovation ; elle cherche au cœur de ses traditions les originalités capables de devenir des forces modernes ; elle s’impose à l’attention, à la sympathie de l’observateur étranger par l’ardeur, parfois subconsciente encore, de cette transfiguration.