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coûte cher ; la nature la prédestine h. grandir par l’agriculture, mais celle-ci même se transforme ; appuyée sur des procédés scientifiques, développée par l’aménagement des réserves de houille blanche, elle tend à s’assortir d’un appareil industriel.

Les usiniers de Catalogne et de Biscaye ne se sont pas obstinés à n’employer que de vieux outillages ; sans doute devinaient-ils que la protection rigoureuse qui les avantageait n’aurait qu’un temps ; leurs fabriques sont donc aujourd’hui fort bien montées, capables d’entrer en concurrence avec celles de l’Angleterre ou de l’Europe centrale. Mais plus sensible encore est le rajeunissement de l’agriculture ; on l’étudiera de préférence dans les provinces qui ont longtemps passé pour les plus indolentes, dans les Castilles. L’antique agronomie des Castilles reposait sur l’élevage transhumant ; les troupeaux de moutons, rassemblés l’hiver dans les vallées, montaient en été sur les pâturages des sierras ; leurs déplacemens s’opposaient aux labours ; les propriétaires ne pouvaient clore leurs domaines, pour les fermer à ces hôtes destructeurs. Ce droit exorbitant fut cependant réduit à la fin du XVIIIe siècle, et les Castilles commencèrent à faire du blé, surtout pour l’exportation aux colonies. Plus récemment, elles ont resserré leur élevage et ensemencé des champs nouveaux ; elles n’expédient plus outre-mer, il est vrai, mais le consommateur espagnol demande, de plus en plus, du pain blanc. Ainsi a été compensé, et au delà, le déficit américain ; plus de 7 millions d’hectares sont aujourd’hui semés en blé, dans la péninsule, contre 5 millions il y a dix ans.

Valladolid, l’une des capitales de la Vieille-Castille, illustre cette évolution. Posée sur un confluent, elle commande un riche bassin d’alluvions ; son allure est celle d’un marché ; ses monumens ne content plus que par lambeaux son ancienne histoire, la mort de Christophe Colomb, la naissance de Philippe II, un séjour de Cervantes ; ses églises n’ont pas la patine de celles de Salamanque ; elles semblent faites pour abriter un service public, non la communion d’une foule de croyans. Mais des constructions nouvelles s’élèvent de tous côtés ; des avenues droites éventrent les quartiers pauvres ; des cheminées d’usines fument au-dessus d’ateliers dont celui des chemins de fer du Nord occupe près de deux mille ouvriers ; la ville compte aujourd’hui 80 000 habitans ; elle a des minoteries, des sucreries, des forges ; tout autour, sur la terre de pan llevar, la batteuse