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il fit comprendre à tous qu’il n’était ni un rêveur, ni un iconoclaste. Son institution a moins marqué, sans doute, par le nombre de ses élèves que par l’influence profonde qu’elle exerça sur une élite et, de proche en proche, sur la pédagogie espagnole. Amis et adversaires s’accordèrent à lui reconnaitre une haute autorité morale ; elle fut un des premiers établissemens scolaires où l’on ait recommandé, en prêchant d’exemple, les exercices physiques et les jeux de plein air.

Quelques Universités espagnoles et, çà et là, quelques maîtres primaires essayèrent d’innover, en suivant ces indications. L’école de village est encore, chez nos voisins, trop pauvre et mal dotée ; les bons instituteurs sont rares, même dans les rangs du clergé ; la formation du personnel primaire a été longtemps incohérente : nulle législation ne fut plus saccadée, plus bourrée de contradictions, que celle des écoles normales, fondées sur le papier en 1839 ; l’enseignement primaire, métier pour de pauvres gens, apostolat pour d’autres, plus instruits et mieux doués, était à peine, jusqu’à nos jours, une profession ; le budget de 1913 amorce une réforme qui fixe à 1 000 pesetas les traitemens des débutans. Les pédagogues officiels commentaient avec un peu de dédain la création d’une Université populaire par des maîtres éminens des Facultés d’Oviédo, celle des écoles catholiques de l’Ave Maria, dont le fondateur, l’abbé Andrès Manjon, apprenait l’arithmétique aux enfans avec des jeux de baguettes, et la géographie sur une mappemonde sculptée dans le sol d’un préau. Don Andrès est le premier qui ait su enseigner quelque chose aux fils des gitanos de Grenade ; mais il est un peu sauvage, ne fréquente pas dans les bureaux des ministères, et n’aime pas que l’on parle de lui dans les journaux.

Cependant le gouvernement royal s’avise qu’il ne peut s’en remettre aux seules initiatives privées ; l’analfabétisme, combattu dans les villes, est beaucoup trop général dans les campagnes, où la moitié des adultes sont encore totalement illettrés. La presse insiste sur l’urgence d’une campagne vigoureuse ; une Junta reformista de instruccion convoque en Congrès plénier tous les amis de l’enseignement populaire, sans distinction d’opinions politiques ni religieuses (1909) et les zélateurs de l’Institution Libre s’y rencontrent avec ceux de l’Ave Maria. Le Musée Pédadogique de Madrid, fondé en 1882, prend une