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Le service obligatoire, appliqué avec les atténuations que permet l’indépendance internationale de l’Espagne, donnera dans peu de temps une armée sensiblement différente de celle d’aujourd’hui. On est amené à distinguer les troupes coloniales qui auront au Maroc une tâche très particulière, des troupes métropolitaines, recrutées, élevées, réparties pour pré- server, en tout état de cause, la sécurité du territoire national.

Pendant la période des troubles civils qu’a terminée l’avènement d’Alphonse XII, l’armée fut souvent détournée de ses devoirs militaires au profit de factions rivales ; les grandes manœuvres étaient celles des pronunciamientos. Dans l’Espagne actuelle, l’armée se rapproche du peuple, non pas certes qu’elle doive tomber au rang d’une milice qui serait, plus qu’ailleurs, la proie des coteries du caciquisme, mais parce que l’esprit féodal en est plus exactement banni. L’Espagne possède des hommes admirables d’endurance, de courage tranquille au feu, de respect de la discipline ; mais il faut les former d’après les méthodes qui leur conviennent ; ils réussissent moins dans les efforts par masses, — qu’il s’agisse de l’armada de Philippe II ou des régimens de Melilla, — que par une tactique plus souple, plus appropriée au déploiement des qualités individuelles. Cortès l’a fait voir, lorsqu’il a conquis le Mexique et plus tard les généraux de l’indépendance, lorsqu’ils usèrent les armées de Napoléon. Les études prescrites de nos jours aux élèves officiers comportent, à cet égard, des innovations intéressantes ; l’âge d’admission des « cadets » à Tolède, — le Saint-Cyr de l’infanterie espagnole, — a été reculé, parce qu’on veut, même dans les grades inférieurs, des jeunes gens qui aient sur leurs hommes l’autorité de l’instruction réfléchie, du caractère déjà mûr : encore un symptôme de la transformation en cours chez nos voisins.

La flotte, éprouvée par la guerre de Cuba, était réduite à presque rien en 1898 ; mais l’Espagne, puissance méditerranéenne et atlantique, a besoin d’une armée navale. Les Baléares et les Canaries sont partie intégrante de son territoire. Le programme naval de 1907 a été rédigé par un ministère Maura, au lendemain du traité anglo-franco-espagnol qui garantissait entre les contractans le statu quo méditerranéen. Il fut voté par les Chambres, en janvier 1908, à la suite de discours patriotiques par lesquels libéraux et républicains,