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La situation internationale de l’Espagne est, présentement, tout à fait particulière. L’écrasement de la Turquie, réduite en Europe au rôle de gardienne des détroits, l’avènement des nations balkaniques qui seront finalement, quoi qu’il advienne, au lendemain immédiat de leurs succès, une barrière au germanique Drang nach Osten, privent la Triple Alliance du concours militaire ottoman qu’elle avait certainement escompté. L’Italie est fort occupée à conquérir la Tripolitaine, qui n’est pratiquement annexée que le long des côtes ; on doute qu’elle dispose, en cas de conflit européen, de la plénitude de ses forces au Nord de la Méditerranée. Or, l’Espagne n’est engagée d’aucun côté.

La Triple Alliance, se sentant atteinte par les défaites de la Turquie, a été tentée, croit-on, de s’attacher l’Espagne ; une armée espagnole d’observation, sur les frontières françaises des Pyrénées, eût retenu dans le Sud-Ouest au moins deux de nos corps actifs ; quant à la flotte espagnole, elle peut jouer aussi un rôle d’appoint décisif dans la Méditerranée. Ce projet, si jamais il fut autre chose qu’un thème à variations dans la presse, ne pouvait pas prendre corps. Seuls en Espagne, quelques conservateurs intransigeans, quelques carlistes accepteraient l’idée d’une alliance avec l’Allemagne. L’Espagne n’entrera donc pas dans la Triplice. Ce ne sont pas les flottes allemandes, en cas de rupture avec l’entente franco-anglaise, qui se détourneraient des mers du Nord pour aider à la protection des Baléares et des Canaries. Ainsi les considérations politiques et stratégiques s’ajoutent pour tenir l’Espagne résolument indépendante de l’Allemagne. Un accord spécial avec l’Italie, nullement critiquable, n’aura que la portée d’un avenant au traité de 1907, stipulant le statu quo de la Méditerranée entre l’Angleterre, l’Espagne et la France. Escompterons-nous un traité d’alliance soit avec l’Angleterre, soit avec la France, voire avec toutes les deux ? Il en fut question peut-être au début de 1913, lors du voyage de MM. Asquith et Churchill à Gibraltar, Malte et Bizerte ; puis un peu plus tard, au moment du vote définitif du traité franco-espagnol du Maroc ; quelques-uns virent un symbole dans la brève promenade commune en aéroplane du colonel Seely, ministre anglais de la Guerre et de son collègue espagnol le général Luque. Nous ne croyons pas que, même dans les milieux espagnols les plus francophiles, û y ait majorité en faveur