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grâce au duc de Chevreuse, le futur époux, que la mort de son père venait de faire roi de la Grande-Bretagne sous le nom de Charles Ier, désigna l’heureux négociateur pour épouser par procuration la princesse Henriette. Cet honneur rejaillissait sur la duchesse de Chevreuse et le 11 mai 1625, jour où le mariage royal fut célébré à Notre-Dame de Paris, sa présence dans le somptueux cortège qui suivait la future souveraine d’Angleterre témoigna aux yeux de toute la Cour de la faveur dont jouissait de nouveau l’amie d’Anne d’Autriche. Ainsi, après avoir subi la plus éclatante disgrâce et s’être vue chassée du Louvre, elle y était rentrée triomphante, grâce à son savoir-faire, à son audace, à d’heureux hasards, apportant malheureusement dans son intimité avec la Reine, renouée comme par miracle, ses instincts pervers et contagieux, par lesquels du reste, à peine remariée, elle s’était déjà laissé entraîner.

Parmi les ambassadeurs anglais venus en France, en vue du mariage royal, le plus brillant et le mieux fait pour plaire était le comte de Holland de l’illustre maison de Warwick. Reçu dès son arrivée à Paris, en 1624, à l’hôtel de Chevreuse, il distingua la duchesse, s’en éprit, osa le lui dire et ne tarda pas à être payé de retour. Elle se jeta dans cette aventure, sous les yeux de son mari qui, d’ailleurs, ne voyait rien, et avec une ardeur qui fera dire plus tard que lord Holland est l’homme qu’elle a le plus aimé. Puis, non contente de ne pas même prendre la peine de dissimuler sa passion, elle en entretint la Reine, lui en vanta sans doute la douceur, comme si elle eût voulu l’inciter à suivre son exemple. Anne d’Autriche désira connaître lord Holland ; les longs entretiens qui suivirent la première entrevue la mirent en tiers dans les amours de son amie. Beaucoup de confidences furent échangées, notamment en ce qui touchait le duc de Buckingham dont on annonçait la venue prochaine à Paris. Holland parlait de ce favori du roi d’Angleterre comme du personnage le plus séduisant du royaume ; il excitait chez la jeune Reine le désir de connaître ce brillant étranger, sans qu’elle put se douter que ces amans également pervertis avaient conçu le projet de ménager une intrigue entre elle et lui. Mme de Chevreuse, de son côté, ne négligeait rien pour arriver à ses fins et pour préparer à Buckingham un accueil tel qu’il le pouvait souhaiter. Elle forçait la Reine à penser à celui qui, disait-elle, l’aimait déjà, bien qu’il