Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commandant l’armée royale sous les ordres du duc d’Enghien devenu prince de Condé par le décès de son père, est frappé à mort, au fameux combat de Charenton. Isabelle n’en court pas moins au château de Vincennes où le blessé a été transporté. Bien qu’elle apprenne qu’au moment du combat, il portait au bras la jarretière de Mlle de Guerchy, elle semble oublier les trahisons dont il s’est rendu coupable envers elle ; elle écoute avec une tendre compassion les propos par lesquels il s’excuse de ses torts, et c’est dans ses bras qu’il rend le dernier soupir.

La douleur qu’on la vit manifester, à la suite de ce tragique événement, était-elle sincère ? Il est permis d’en douter et les contemporains ne l’ont pas cru. En tout cas, on ne saurait nier qu’elle fut rapidement consolée et que, dès ce moment, elle laissa aller son cœur là où la poussait son caprice. Sur sa route, elle retrouva Condé. Tout porte à croire que, pour établir solidement son influence sur lui, elle ne lui refusa pas ses faveurs, tout en continuant à les accorder au duc de Nemours, jusqu’au jour où ce malheureux jeune homme fut tué en duel par son beau-frère le duc de Beaufort.

Entre temps, les événemens se précipitaient. Condé, après avoir sauvé la royauté de l’entreprise des Frondeurs, et ramené la Cour à Paris d’où elle s’était enfuie, se voyait acclamé de toutes parts, « comme le vainqueur des ennemis du dedans et du dehors. » Grisé par son triomphe, il prétendait agir en maître, exigeait pour lui et les siens les honneurs et les places. Irrité par la résistance opiniâtre qu’Anne d’Autriche et Mazarin opposaient à ses exigences, il ne tardait pas à prendre une attitude de factieux et si menaçante, que la Reine et son ministre décidaient de le mettre hors d’état de nuire. Il était arrêté, le 16 janvier, avec son frère le prince de Conti et son beau-frère le duc de Longueville et incarcéré avec eux à Vincennes. On sait que ce fut là l’origine de la seconde Fronde et des événemens au cours desquels le Grand Condé nous apparaît comme un ennemi de sa patrie. Son arrestation eut une autre conséquence : elle entraîna la duchesse de Châtillon dans le parti des princes.

Il faudrait plus de place que nous n’en avons ici pour la suivre à travers les péripéties de la guerre civile qui recommençait. M. Paul Fromgeot les raconte tout au long et nous ne pouvons que renvoyer les lecteurs à son attachant récit. Ils y