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bordure rocheuse tombe abrupte dans la mer, arrive tout à coup devant une échancrure du rivage. Au Nord, le terrain plat et marécageux fait un remarquable contraste avec les montagnes du Sud qui enserrent presque complètement une baie, que ferme et protège une île. C’est la baie de Vallona. Le navire s’engage dans la passe entre l’ile de Saseno et le cap Glossa, pointe Sud et montagneuse du golfe où le navire jette l’ancre.

La rade est merveilleuse ; la vaste baie, d’un bleu profond, s’ouvre sur un fond de montagnes vertes, tachées du gris cendré des oliviers. Là-bas, sur la droite, à mi-coteau, le village de Kanizia dresse ses maisons antiques, qui semblent des ruines romaines au milieu d’arbres plantés par les Vénitiens. A gauche, la terre plate émerge à peine des flots et l’on distingue mal où finissent les roseaux de la côte et où commencent les oliviers et les ormes où Vallona est enfoui. On aperçoit à peine la ville. Seule, au loin, la pointe blanche des minarets se détache au milieu des bosquets d’arbres et, sur le port, les bâtimens de la douane attendent le voyageur. Ce cirque de verdure enserre une baie apaisée ; l’île qui ferme la rade arrête la violence des flots, les collines les vents du Sud et la brise de l’Est ; l’eau calmée reflète au profond de la baie la silhouette des sommets qui la protègent.

Le navire se balance sur ses ancres à 500 mètres du rivage marécageux. Les barques arrivent du débarcadère et se pressent sur ses flancs. Celle-ci amène le vice-consul d’Italie, qui vient aux nouvelles, et la voisine un agent du consulat autrichien. A côté, des voiliers d’assez fort tonnage sont remplis de barriques et de peaux, sans doute de l’huile d’olives et des peaux de chèvres, les deux objets d’exportation du pays, et les bateliers assiègent de leur insistance les gens du bord. Voici enfin la barcasse où l’on me fait descendre ; le batelier de ses rames s’éloigne du navire, puis bientôt debout conduit en s’appuyant sur les hauts-fonds.


En maintes villes d’Orient, le ciel et la mer, la lumière dorée, l’éclat des taches blanches que les maisons forment en se détachant sur les verdures profondes, les couleurs intenses qui vibrent et l’air diaphane qui rapproche les premiers plans composent la beauté du site et jettent sur la ville l’illusion du rêve