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plus au Sud, comme les Tcham, qui ont conservé leur fanatisme et leur isolement.

C’est donc, pour le moment, une vingtaine de mille habitans peut-être qui sentent l’action du gouvernement de Vallona, dont environ 8 000 en ville ; les Albanais musulmans en com- posent la grosse majorité ; des orthodoxes albanais ou grecs, et des Italiens catholiques d’origine albanaise y entretiennent l’usage constant de la langue grecque et de la langue italienne, à côté de l’albanais ; quant au turc, il a toujours été inconnu.


La présence de cette colonie italienne d’origine albanaise est un des traits les plus intéressans des relations entre l’Italie et l’Albanie et, dans le conflit d’intérêts italo-autrichien, dont Vallona est le centre, elle joue un rôle qui n’est pas négligeable.

Vallona est peut-être, de toutes les villes de l’Albanie, celle où l’Italie possède le plus d’influence ; elle le doit moins à sa proximité qu’à deux causes fondamentales : l’une est la présence en Italie d’une importante colonie albanaise italianisée, dont un certain nombre de représentans sont retournés en Albanie et ont été canalisés vers Vallona ; l’autre est l’intérêt de premier ordre que le royaume attache à ce point de la terre albanaise.

C’est, paraît-il, au XVe siècle que les premiers Albanais émigrèrent en Italie ; les historiens italiens racontent qu’en 1462, tandis que Ferrant d’Aragon faisait le siège de Barletta, une colonie d’Albanais se présenta à lui et se fixa dans le pays ; c’est en tout cas vers 1470 que cette émigration prit des proportions assez importantes. L’origine en était la conquête turque effectuée à cette époque après la défaite de Scanderbeg. Dispersés à travers les Abruzzes, la Calabre et la Sicile, ces émigrés ont adopté la langue, puis le costume, puis les coutumes du pays où ils se fixaient. Toutefois, ils n’ont pas perdu tout souvenir de leur ancienne patrie, ni tout contact avec elle. Pendant très longtemps, ces souvenirs sont restés latens et ces contacts intermittens ; mais depuis la création du royaume d’Italie, Rome comprit très vite le parti qu’elle pouvait tirer de cet élément, qu’on évalue à une cinquantaine de mille âmes ; elle s’appliqua à ranimer les souvenirs, à rétablir les contacts et à faire des Albanais d’Italie l’instrument d’action le plus efficace pour la propagande italienne en Albanie, en attendant d’en tirer parti