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Les moralistes n’ont pas assez fait ressortir ce qui constitue sa grandeur. Tromper sans cesse, trahir sans relâche, se sentir toujours à la veille d’être découvert, et donc se cacher, ruser, mentir et encore mentir, quel héroïsme ! » Il nous semble plutôt, à nous autres spectateurs, que c’est là l’incurable vilenie de l’adultère. Le malentendu continue… Georges, qui à ce moment pousse la porte, trouve Francine extrêmement près de Puysieux. « Tu vois, lui dit-elle : il me demande la main de Marthe. » Ce n’est pas tout à fait la tenue de circonstance pour les demandes en mariage. Mais faut-il s’arrêter à des questions de protocole ? L’important est que Puysieux ait demandé la main de Marthe : accordée d’enthousiasme !

Second acte : fête dans le parc, avec tziganes. C’est le sixième anniversaire du mariage de Georges, et Georges est encore plus heureux qu’au cinquième anniversaire, d’abord parce que cela lui fait une année de bonheur eu plus, ensuite parce qu’il a marié Marthe et Puysieux. Quelle n’est pas sa stupeur d’apprendre que le ménage de Marthe n’est pas un ménage d’amoureux ! Ce romancier est, dans ses livres, un psychologue très clairvoyant ; dans la vie réelle, il pèche plutôt par un excès de candeur. La plume à la main, c’est Balzac ; dans son intérieur, c’est Jocrisse. Il se promet de chapitrer Puysieux. Mais où est Puysieux ? Puysieux s’est esquivé, avec Francine, vers un petit pavillon où jadis ils abritaient leurs amours, et d’où nous les voyons revenir affolés, car ils ont entendu craquer des branches et ils ont la sensation que quelqu’un les a suivis. Ce quelqu’un, c’est un certain Buquoy, voisin de campagne des Jeannequin et amoureux de Francine, à qui il envoie des roses rouges et même rouge vif. Ce Buquoy profite d’un moment où Francine est seule pour la menacer… lorsque surgit Puysieux. Altercation entre les deux hommes… lorsque Georges surgit. Dans cette pièce chacun arrive à point, vient au moment précis où l’auteur a besoin de lui. Ces gens ont le génie de l’à-propos. Cependant Georges accepte d’être le témoin de Puysieux dans son duel avec le voisin aux roses rouges.

Troisième acte. Francine, depuis l’annonce du duel, est dans un tel état de fébrilité, que Georges lui-même s’aperçoit de quelque chose. Maintenant que le duel est engagé, elle donne les signes d’une angoisse si désordonnée, que Marthe ne conserve plus aucun doute sur les rapports de son mari et de sa quasi belle-mère. Francine et Puysieux, c’est un peu Phèdre et Hippolyte. Thésée, je veux dire Georges, revient annoncer que Puysieux est blessé. Alors c’est, chez Francine, un déchaînement : elle veut à toute force aller soigner le blessé, le