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un modus vivendi raisonnable serait franchement adopté entre l’Autriche et la Serbie, sans compter que l’Autriche se trouverait en partie dégagée de certaines obligations dont elle pourrait plus tard sentir durement l’étreinte. L’anxieuse préoccupation de la Serbie, poussée au point extrême où elle l’a été, n’a certainement pas été pour l’Autriche le commencement de la sagesse. Nous aimons à croire qu’elle n’est entrée pour rien dans les conseils belliqueux qui ont été donnés à l’Albanie, si on lui en a vraiment donné. Pour ce qui est de la Bulgarie, nous n’oserions émettre aucune opinion, ni dans un sens, ni dans l’autre. On a dit qu’il y avait des officiers bulgares dans les troupes albanaises : ce sont là des allégations qu’il est aussi difficile de prouver que de contester. En réalité, on ne sait rien de certain, et tout ce qu’on peut dire est que tout est possible. Mais enfin les Albanais ont été refoulés chez eux et, de ce côté, la situation est purgée de tout danger immédiat : seulement, les Serbes restent et sont obligés de rester sur le qui-vive. Leur démobilisation totale avait été une imprudence. La situation des Balkans est telle qu’il ne peut y avoir qu’un désarmement général, à commencer aujourd’hui par celui de la Porte. Si l’un désarme sans les autres, l’expérience de ces derniers temps ne permet pas de se faire illusion sur ce qui arrivera. Quant à la Roumanie, aujourd’hui comme hier, elle peut beaucoup avec le moindre effort. Sa situation géographique et le succès de sa politique lui permettent d’exercer, si elle le veut, une vraie magistrature dans les Balkans. Mais nul ne sait au juste ce qu’elle ferait dans telle ou telle éventualité, et l’orientation que le roi Carol a prise assez bruyamment du côté de Berlin n’est même pas à cet égard une indication bien nette, car l’empereur Guillaume, qui nourrit en ce moment de si bons sentimens pour son beau-frère le roi de Grèce, n’en est pas moins plein de ménagemens pour la Porte. Il serait peut-être embarrassé s’il fallait absolument choisir entre les deux et ce qu’on peut espérer de mieux est que, précisément pour ce motif, sa politique tendra, en décourageant un conflit, à s’épargner l’embarras du choix.

Et l’Europe ! On en parle peu en ce moment et, lorsqu’on le fait, ce n’est généralement pas en termes très bienveillans. On se demande quand se réunira à Londres la Conférence des ambassadeurs, mais on en attend peu de chose. Nous avons dit bien des fois qu’il y avait une grande part d’injustice dans la rigueur de ces jugemens. Tantôt on reproche à l’Europe de n’avoir pas résolu d’autorité toutes les questions balkaniques, et tantôt, au contraire, de s’être mêlée de ce qui ne la regardait pas et de n’avoir pas laissé les États des Balkans