Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Vienne, ce 26 juin 1861.

Votre dernière parole, chère Comtesse, en nous quittant à Csabay a été que « vous avez arrangé mon voyage en Hongrie avec coquetterie ; » cela est vrai, mais ce qui l’est encore plus, c’est que vous avez déployé à cette occasion, et jusque dans les moindres détails, une sollicitude affectueuse dont le souvenir ne s’effacera jamais de mon cœur. J’en suis tout ému : et je ne puis pas attendre un jour de plus pour vous parler de ma reconnaissance. Mon âme en est pénétrée, et il me faut absolument vous remercier non seulement de l’accueil à la fois si gracieux et si splendide que vous nous avez fait, mais encore et surtout de la confiance et de la bonté que vous m’avez témoignées ! Vous savez le cas que je fais de la bonté. Laissez-moi vous le redire : je vous trouve heureuse, malgré votre grande épreuve, parce que vous êtes aimée, parce que vous êtes bonne. Vous l’avez été pour moi, bien au delà de mon mérite et de mon attente, et vous m’avez ainsi conquis plus que vous ne le voudriez peut-être. Vous me trouvez peut-être importun et présomptueux ; mais l’immense et triste distance qui nous sépare devra vous rendre indulgente pour quelqu’un que vous avez comblé en si peu de temps d’un si grand nombre de bienfaits. Je suis aussi surpris que touché de me voir, au déclin de ma vie, l’objet d’une bienveillance que je ne me rappelle pas avoir jamais rencontrée au même point, dans un temps où je passais pour être quelque chose et avant mon naufrage. Je suis donc tenté de vous regarder comme une amie. Je ne sais pourquoi vous m’avez inspiré une si vive sympathie, mais elle existe et je vous supplie de me la permettre. Je n’aurai jamais l’occasion de vous servir comme je le voudrais, et vous n’avez nul besoin de moi ; mais je crois être sûr que vous ne dédaignerez pas l’hommage de mon affection.

Notre séjour en Hongrie n’a été, grâce surtout à vous, chère Comtesse, qu’une fête continuelle. Mais de tous leg souvenirs que j’emporte de votre beau et cher pays, le plus doux et le plus durable sera assurément le vôtre, celui de votre cœur qui m’a paru à la fois intrépide, généreux et tendre. Restez tout ce que vous êtes, chère et charmante Comtesse : nous ne sommes pas d’accord peut-être sur tout au monde, mais je ne voudrais pas vous voir changer. Vos ardeurs me plaisent, même quand je ne