Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lyriques. Il intitule son chapitre sur l’Isotteo et la Chimera les Exercices d’Andrea Sperelli et ses pages sur les Elegie romane la Poésie lyrique d’Andrea Sperelli. Entre l’Innocente et le Poema paradisiaco, il marque la même dépendance. Et ce sont là des classifications ingénieuses qui viennent, du reste, à l’appui de ce subjectivisme dont la production littéraire de M. d’Annunzio est saturée. Il est dit dans Il Piacere qu’Andrea Sperelli pratiquait de préférence à tous les autres arts la métrique et la gravure : « Il entendait poursuivre et rénover avec sévérité les formes traditionnelles italiennes en renouant avec les poètes du stil novo et les peintres antérieurs à la Renaissance. Son esprit était essentiellement formel. Plus que la pensée il aimait l’expression. Ses essais littéraires étaient des exercices, des jeux, des études, des recherches, des expériences techniques, des objets de curiosité. » L’Isotteo, la Chimera ne répondent-ils pas à merveille à ce programme d’Andrea Sperelli ? Voluptueux, si l’on peut dire, intégral, il étend au langage son amour des belles formes : « Il écoutait ces sons en lui-même, se complaisait aux riches images, aux épithètes exactes, aux métaphores brillantes, aux harmonies recherchées, aux exquises combinaisons d’hiatus, de diérèses, de tous les plus subtils raffinemens qui variaient son style et sa métrique, de tous les mystérieux artifices de l’endécasyllabe empruntés aux merveilleux poètes du XIVe siècle et spécialement à Pétrarque. » Des écrivains très respectables et très admirables, le prosateur Gustave Flaubert et le poète Théophile Gautier (celui-ci sous maints rapports si semblable à M. d’Annunzio) ont eu de nos jours et avant Andrea Sperelli cette idolâtrie de la phrase et des mots. Je ne puis que les en féliciter. Il manquerait quelque chose aux lettres françaises si Flaubert et Gautier leur avaient manqué. Et je tiens pareillement que l’Isotteo, par son art raffiné, par le degré de haute culture qu’il atteste, fait plus d’honneur que de tort à l’auteur et à la littérature de son pays.

M. Gargiulo, cependant, ne partage point mon avis. Le verbalisme de M. d’Annunzio lui est insupportable. Ce soin qu’a pris l’auteur d’Il Piacere de rajeunir son style au bain de Jouvence des bons poètes d’autrefois lui paraît un jeu puéril. Trompe-l’œil que cela, artifice destiné à masquer une force d’invention qui s’épuise. Quelle chute, s’écrie M. Gargiulo, depuis la « poésie inspirée » du Canto novo ! A cette chute qu’il