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mérites. Qu’ils étudient donc au point de vue du théâtre les rôles de Gianciotto et de Malatestino, ceux qui refusent à M. d’Annunzio toutes qualités dramatiques. Ils devront rendre hommage, s’ils sont de bonne foi, au caractère puissamment « objectif, » pour parler avec M. Croce, et même au caractère rigoureusement scénique de ces deux personnages.

Et c’est du théâtre encore et du meilleur que cette Figlia di Jorio (1904), le chef-d’œuvre, à mon sens, de Gabriele d’Annunzio. J’ai marqué à plusieurs reprises mon admiration pour cet ouvrage. Je ne recommencerai pas et je laisse la parole aux critiques d’outre-monts. Hélas ! ils ne s’accordent pas plus sur la valeur littéraire du drame le plus applaudi qu’on doive à M. d’Annunzio que sur le cas à faire de ses autres écrits. Toutefois, le franc succès de la Figlia di Jorio auprès du public, du « grand public, » leur impose. Les plus vindicatifs mêlent quelques gouttes de miel à leur fiel ordinaire. M. Donati se demande (comme si la chose importait !) si cette pièce contient un symbole et quel il est. Il constate qu’en l’écrivant, M. d’Annunzio a voulu faire œuvre de poète national, se remettre en contact, suivant un de ses principes d’art, « avec la race dont il est sorti. » Mais cette tentative, au dire du critique, a échoué. Il y a des toscanismes dans cette pièce abruzzaise et d’ailleurs « elle n’a pleinement réussi qu’en sicilien. » Sur quoi, l’ouvrage dûment condamné en vertu de raisons toutes bien fragiles, toutes bien « à côté, » M. Donati finit par avouer comme malgré lui : « Et pourtant la Figlia di Jorio est une belle chose. » Le parti pris hostile reparaît dans la suite du compliment : « Vraiment, poursuit M. Donati, la Figlia di Jorio est un chef-d’œuvre, » mais, entendons-nous bien, un chef-d’œuvre de mauvais goût : « C’est le chef-d’œuvre de la nouvelle Arcadie, précise le critique, le chef-d’œuvre d’une forme d’art étrangère à la vie réelle comme à la vie idéale. » Et le lecteur sans malice de se demander : « Si la Figlia di Jorio n’appartient pas plus à la vie réelle qu’à la vie idéale, à quelle vie donc appartient-elle ? » On regrette que M. Donati ne se soit point soucié de satisfaire sur ce point notre légitime curiosité.

Non moins défavorable et tranchant, l’avis de M. Gargiulo sur cette pièce. La Figlia di Jorio, il en convient, est le meilleur drame de M. d’Annunzio, mais cela ne veut pas dire qu’il soit bon. Il y découvre, — encore ! — des traces de nietzschéisme (il