Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bannie du petit traité sur la Contemplation de la Mort. Ce livre est non seulement d’un philosophe mystique, mais d’un penseur tout près de confesser le christianisme et déjà plus qu’à moitié catholique. Il n’a pas encore la foi, mais bien un ferme désir de l’acquérir. Une conversion positive, si elle n’est pas certaine, rentre dans le domaine des accidens possibles, sinon absolument prochains. A l’influence de Nietzsche a succédé celle de saint Augustin, de saint François d’Assise, de sainte Thérèse et de l’auteur de l’Imitation. Cet opuscule n’a pas fait d’ailleurs dans le monde le bruit qu’il aurait fait s’il s’était agi d’un autre. On se méfie un peu de Gabriele d’Annunzio. Il est si ondoyant, si divers ! Son christianisme durera peut-être ce que durent les roses et une crise de neurasthénie ; mais en présence de la vitalité de cet écrivain, devant cette pensée bouillonnante, toujours prête à s’exprimer de façon belle et séduisante, de quel droit, encore un coup, parler d’épuisement et de décadence ? Gabriele d’Annunzio est un magnifique artiste. Voilà vingt-cinq ans qu’il le prouve. Pourquoi ne le prouverait-il pas vingt-cinq ans encore ?

Il me plaît d’ailleurs de constater que, parmi tant de critiques acharnés à diminuer sa gloire, il s’en est trouvé un en Italie, — et, non des moindres — pour donner une conclusion favorable à son étude sur celui qui reste malgré tout il divo Gabriele : « Est-il un penseur logique et cohérent ? demande M. Benedetto Croce. Est-il un sage ? Est-il un bon conseiller ? Non, mais il est poète. Et il semblerait que cela dût suffire. D’autant plus que les poètes de droit divin sont un peu plus rares que les sages, les penseurs et les bons conseillers. »

M. Croce a raison et il n’y a rien à ajouter au jugement que nous venons de transcrire : « M. d’Annunzio est un grand poète et il semblerait que cela dût suffire à le faire aimer et célébrer. La postérité fera certes dans son bagage l’inéluctable choix, mais elle l’admettra au Temple de Mémoire et dans un rang glorieux. Que ses adversaires d’Italie et d’ailleurs en prennent donc leur parti !


MAURICE MURET.