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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/231

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le problème de la vie terrestre tout entier est suspendu à sa solution comme la vie d’Œdipe fut suspendue jadis aux lèvres du sphinx. Je veux parler de l’assimilation chlorophyllienne des végétaux. On sait que le carbone, le charbon, est l’élément fondamental de la substance vivante. C’est lui qui constitue en majeure partie les organismes. C’est lui que la respiration des animaux combine dans leurs poumons à l’oxygène de l’air pour le rejeter dans l’atmosphère sous forme d’acide carbonique. On sait tout cela depuis Lavoisier. On sait aussi que la respiration des plantes vertes est différente : sous l’action de la lumière solaire elles puisent au contraire dans l’air l’acide carbonique exhalé par les animaux ou par les combustions naturelles et industrielles, en assimilent le carbone qui se transforme dans leur sein en hydrates de carbone ou sucres et leur permet de croître, et rejette dans l’air l’oxygène qu’elles ont arraché au gaz carbonique. Les plantes servent ainsi à maintenir constante la teneur en oxygène et acide carbonique de l’air, et à équilibrer et compenser les effets de la respiration animale et des autres combustions. Mais ce n’est pas tout : le carbone nécessaire aux animaux, ceux-ci ne le peuvent assimiler qu’en se nourrissant de végétaux. Ces derniers sont donc l’intermédiaire, le courtier indispensable qui permet aux animaux d’assimiler le carbone minéral, la houille, qui est elle-même l’énergie du soleil emmagasinée par les végétaux durant la période carbonifère.

Seules les plantes pourvues de cette matière colorante verte qu’on appelle la chlorophylle sont aptes à remplir cette fonction et on croyait jusqu’à ces dernières années que celle-ci était une fonction nettement vitale et irréductible aux actions chimiques ordinaires.

Il n’en était rien. En 1893, M. Bach a exécuté au Collège de France une expérience fondamentale. Il a montré que la lumière solaire, agissant sur l’acide carbonique et l’eau en présence de sels d’urane, combine ces corps en formant de l’aldéhyde formique, à partir duquel on peut faire facilement la synthèse des sucres et des matières fondamentales des végétaux. Ainsi se trouvait réahsé pour la première fois artificiellement le phénomène essentiel de l’assimilation chlorophylhenne.

On a établi depuis peu que, dans cette expérience, les sels d’urane agissent coname catalyseurs (nous avons expliqué ce terme), que la chlorophylle est elle-même un catalyseur, et que son action à ce point de vue est hée à son état colloïdal. Récemment MM. Daniel Berthelot et Gaudechon ont fait faire un pas nouveau et fondamental à la question en montrant que cette synthèse de l’aldéhyde formique, à partir du gaz carbonique, peut se faire en l’absence même de tous ca-