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plus simplement parce que, comme l’ont rappelé plusieurs interrupteurs en termes énergiques, on ne peut pas s’allier à qui ne veut pas de vous et qu’il est un peu ridicule de solliciter une main qu’on vous refuse. Pour s’allier aux socialistes, il faudrait d’ailleurs abdiquer entre leurs mains, leur tout sacrifier et se mettre à leurs ordres comme M. Combes s’est mis autrefois à ceux de M. Jaurès. Évidemment, les souvenirs de cette servitude sont restés amers à beaucoup de radicaux ; ils n’en veulent plus. On ne nous croirait pas si nous disions que ces sentimens nouveaux chez eux s’expliquent par leur amour de l’indépendance, par un accès de dignité, par une plus exacte intelligence des intérêts élevés de la République et du pays. S’ils les manifestent, c’est que l’opinion s’est modifiée, qu’elle est lasse des luttes stériles d’autrefois, qu’elle répugne aux violences, qu’elle a un sincère désir d’apaisement. Les radicaux subissent les obligations qui en résultent pour eux, mais ils se gardent d’en convenir. Ce mot d’apaisement est, entre tous, celui qui sonne le plus désagréablement à leurs oreilles ; il produit sur eux un effet de révolte. Ils ne veulent pas de l’apaisement et ils reprochent avec amertume au Cabinet actuel de trop céder à la politique qui s’en inspire. On peut prévoir qu’à la rentrée des Chambres, le ministère subira un assaut brutal de la part des radicaux-socialistes : ils ont déjà essayé de le renverser avant les vacances, ils recommenceront après et avec une exaspération encore plus grande, ils l’accuseront de faire de l’apaisement. Néanmoins, ils ne veulent pas d’alliance avec les socialistes et, comme les élections sont proches, ils se réfugient dans des formules vagues. Il ne faut pas leur demander trop de logique.

Un incident très caractéristique a bien montré les sentimens à la fois violens et circonspects qui les animent. Ce n’est pas seulement au ministère qu’ils en veulent, ils n’ont pas une plus grande sympathie pour le Président de la République : la seule différence est que, contre le ministère, ils s’abandonneront à l’amertume et à la véhémence de leurs sentimens, tandis qu’à l’égard du Président de la République, ils se sentent tenus à plus de prudence. Le voyage que M. Poincaré vient de faire dans le Midi de la France a eu, nous l’avons déjà dit, un très grand succès : si nous le répétons, c’est parce que ce succès s’est encore accru lorsque, à son retour d’Espagne, M. Poincaré a débarqué à Marseille au milieu d’ovations enthousiastes et a traversé la Provence. Les discours qu’il a prononcés ont été couverts d’applaudissemens mérités ; celui qu’il a adressé à Mistral a enlevé tous les suffrages ; un grand mouvement de sympathie s’est formé autour d’un