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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/254

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voyage. En attendant, je suis en ce moment dérangé et absorbé par la période électorale, pauvre petit semblant de l’ancienne vie politique éteinte dans ce pays abaissé, et que la dissolution du Corps législatif a évoqué pour un moment. Je suis candidat dans les deux départemens où j’ai été élu en 1848 et en 1849. Mais je n’ai pas la moindre chance d’être élu. Je n’ai consenti à être candidat, que pour obéir à l’appel de certains vieux amis, restés fidèles comme moi à nos vieilles convictions, et surtout du cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, lequel m’a témoigné, en cette occurrence, un dévouement aussi courageux qu’inespéré. Je suis habitué à une telle ingratitude, à une telle bassesse de la part des principaux dignitaires du Clergé, que cette sympathie publique de mon archevêque m’a beaucoup touché. C’est un devoir pour moi de vous le raconter, parce que je vous ai dit beaucoup de mal de notre Clergé. Malheureusement, il mérite trop d’être blâmé en général, sous le rapport politique, et, en ce moment même, plusieurs des défenseurs les plus zélés du Saint-Siège, combattus par le pouvoir impérial avec acharnement, sont abandonnés par leurs évêques.

Quant à moi, je n’ai ni l’espoir, ni même le désir de rentrer dans la vie publique, devenue terriblement triste, difficile et stérile sous le régime de la démocratie impériale. Ma pensée se tourne souvent vers l’Autriche. Tout y va beaucoup mieux depuis deux ans, à ce qu’affirment des témoignages nombreux et divers. La vie parlementaire s’y développe et s’y enracine. Vous savez, chère Comtesse, que, contrairement à votre avis, je regarde cela comme un très grand bien, quoique le parlementarisme ne soit pas, à mes yeux, le seul remède à tous les maux. Mais il est certain qu’il atténue les maux de cette centralisation odieuse et funeste, où tous les monarques, à l’instar des Bourbons en France, ont cherché leur salut et ont trouvé leur perte.

Chère Comtesse, je sens bien qu’il faut vous pardonner votre paresse, mais c’est à la condition que vous ne recommencerez plus. Ne vous croyez donc pas obligée de m’écrire des dissertations ou des considérations approfondies, sur les affaires spirituelles et temporelles du monde. Laissez-moi en possession de cette faiblesse d’un vieux politique. Écrivez-moi tout simplement pour me donner des nouvelles de tout ce qui vous intéresse personnellement, de vos enfans, de votre santé, de vos lectures.