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de notre temps, un recueil de pages choisies de Thureau-Dangin, il faudra largement puiser dans les portraits historiques.

Son livre obtint, chez les amateurs de lectures et d’études sérieuses, un succès à peu près unanime. Les critiques vinrent surtout de ceux qu’effrayaient les dimensions de l’œuvre et l’austérité du sujet : de confiance et d’autorité, ils décrétèrent que l’Histoire de la monarchie de Juillet devait être terne, partiale, fastidieuse ; ils y dénoncèrent l’ouvrage d’un « homme du monde, » désireux de faire figure dans le monde littéraire ; c’était, comme le déclara un jour Francisque Sarcey avec sa joviale franchise, c’était avouer qu’ils n’avaient jamais entr’ouvert les volumes dont ils parlaient avec un dédain si transcendant. Les faits, d’ailleurs, ont répondu : plusieurs fois réimprimée, l’Histoire de la monarchie de Juillet est en passe de devenir une œuvre classique.

L’Académie française n’avait pas attendu que le livre fût terminé pour lui décerner à deux reprises le grand prix Gobert. Le 2 février 1893, elle appela l’auteur à siéger dans ses rangs, par 22 voix contre 4 à Emile Zola et 6 bulletins blancs. Il vint occuper le fauteuil de Camille Rousset le 14 décembre 1893, le jour même où il accomplissait sa cinquante-sixième année.


V

Les deux derniers volumes de l’Histoire de la monarchie de Juillet, parus ensemble en 1892, ne témoignaient d’aucune lassitude apparente : les chapitres sur les écoles socialistes, sur les scandales de 1847, le récit même de la Révolution de Février comptent au nombre des parties les plus vivantes du livre. L’auteur pourtant ne dissimulait point, dans ses conversations intimes, qu’il lui tardait de s’arracher au compte rendu des luttes parlementaires pour aborder une pure étude d’âme. Il s’en est expliqué en termes plus expressifs, plus âpres encore, dans ses notes autobiographiques : « Par fatigue et dégoût du monde politique, dans lequel mes travaux historiques m’avaient fait vivre jusque-là, je résolus de faire une Vie de saint. »

C’était continuer son œuvre par où Montalembert avait inauguré la sienne ; c’était aussi anticiper sur cette collection hagiographique toute récente, où laïques et prêtres, sous la direction