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qui parut l’année d’avant sa mort (1912) et qui est l’indispensable complément de son grand ouvrage.

A la fin de l’introduction, il s’excusait modestement de s’attaquer à une telle tâche, lui qui n’était ni Anglais ni théologien : on peut soutenir sans paradoxe que c’était là pour lui au contraire une double force. Des lectures, des conversations, des séjours multipliés l’avaient mis à même de pénétrer l’âme britannique, tout en conservant ses dons très français de méthode, de lucidité, de mesure : or, c’était une histoire fort touffue qu’il s’agissait de débrouiller. Au dire de bons juges, ses traductions sont remarquablement fidèles : il apparaît au moins compétent des lecteurs qu’elles sont merveilleuses d’émotion, de simplicité, d’éloquence contenue. Si d’autre part c’est l’affaire des théologiens de traiter ex professo les controverses dogmatiques, non seulement ils n’ont point mission exclusive pour décrire les crises psychologiques, mais leur habitude des formules absolues les rend souvent médiocrement aptes à cette tâche. Thureau-Dangin n’avait jamais prétendu dogmatiser, ni même argumenter : son acquis d’historien et d’écrivain, ses préoccupations familières le préparaient à retracer un grand mouvement religieux.

Comme il l’a fait observer à plusieurs reprises, le sujet était double, ou tout au moins complexe. La « renaissance catholique, » c’est d’abord, comme l’entend la foule, l’évolution qui du catholicisme romain dans l’Angleterre d’après Waterloo, sorte de culte de parias, méprisé, bafoué, à demi persécuté encore, a fait une religion florissante, puissante, respectée, dont les recrues et les manifestations se multiplient sans qu’aucun esprit sérieux en prenne ombrage, dont les représentans figurent en bonne place dans tous les corps politiques, savans, financiers ou industriels, dans un très grand nombre de familles. Mais c’est aussi le changement d’idées qui peut se résumer ainsi : en 1815, l’Église établie se glorifiait unanimement d’être une communauté protestante, un peu plus traditionaliste que les autres ; aujourd’hui, une fraction importante de cette même Église anglicane se réclame d’une tout autre solidarité et prétend être une branche de l’Église universelle ; au lieu de célébrer la réforme du XVIe siècle comme une victoire ou un affranchissement, elle la déplore comme un accident désastreux ; par le culte comme par le dogme, par la liturgie, les sacremens, le