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moyen pour le vexer de la manière la plus offensante. » Quant à lui, directoire du district, sa délicatesse ne lui a pas permis de prendre des « mesures vigoureuses ; » il compte sur la sagesse du Département[1].

Le Département déféra l’affaire à la Convention. Il ordonna qu’en attendant, la justice suivit son cours : jusqu’à l’arrêt de la Convention, les juges continueraient de siéger à Terrasson[2]. C’était compter sur la sagesse de deux petites villes en colère. Montignac convoqua les juges nouvellement élus. Terrasson fit de même. Le district, partisan de Montignac, annula la convocation de Terrasson. Le Département, lui, annula les deux convocations. Dans l’incertitude, les juges nouvellement élus choisirent le séjour qui leur plaisait le mieux. Un juge et un suppléant, Terrasson ; trois juges, avec le commissaire national, Montignac. Et voilà un singulier tribunal, dont les membres siègent à quinze kilomètres les uns des autres.

Le directoire du district écrivit aux « Conventionnaires. » Il leur représenta que cette division privait de justice les justiciables et laissait dans l’esprit des paisibles citoyens une incertitude dangereuse. Il ne voulait pas être « le spectateur tranquille du désordre. » Il suppliait les représentans de se prononcer le plus tôt possible, — et de confirmer « le vœu de l’assemblée électorale, qui est celui des six septièmes du district. » Les « Conventionnaires » avaient d’autres occupations. Le district sentit qu’il fallait insister. Il insista le 30 octobre. Il demandait quoi ? un quart d’heure. Et ce n’était pas pour Montignac ni (certes) pour Terrasson, mais pour l’équité. « La justice souffre, la fermentation règne, et le peuple est impatient du grand acte de justice qui va émaner de ses représentans... L’intérêt du district vous est cher, sans doute. Hâtez-vous de satisfaire le vœu des six septièmes d’un district prêt à périr avec ses administrateurs pour la grande cause de la liberté universelle. » Les « Conventionnaires » avaient autre chose en tête. Alors, le 16 novembre 1792, le district décida de se passer d’eux. Il écrivit tout droit au ministre Roland, « avec cette franchise digne d’une administration vraiment républicaine. » Il priait Roland de solliciter la Convention : « Oui, vertueux Roland, ou la loi triomphera, ou nous périrons pour son entière exécution ; telle

  1. Archives de la Dordogne, L. 524.
  2. Id. L. 518, n° 393.