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eu les moyens et la charge d’entretenir les édifices religieux ne se sont pas constituées. Et dans cette situation voici la thèse gouvernementale qui prévaut en jurisprudence :

Les communes propriétaires peuvent entretenir les églises, mais n’y sont pas obligées. Elles sont libres de ne faire aucune dépense d’entretien ; si l’édifice est en trop mauvais état, elles n’ont qu’à le désaffecter, et, s’il menace ruine, qu’à le démolir.

Nos pauvres églises ! aucun doute possible, les voilà saisies par leurs ennemis, enveloppées, placées dans une position où elles doivent périr, de par la loi. Ce n’est pas un cauchemar, les voilà exposées comme des martyres dans l’arène.

Exposées à quoi ? A la Bête.


II
LA DYNAMITE DANS LES CLOCHERS, LE DRAP DES MORTS DANS LE RUISSEAU

A la fin de 1909, un beau soir, M. l’abbé Auvray, curé de Grisy-Suisnes, gros bourg du pays de Brie-Comte-Robert, célèbre par la beauté de ses roses, reçut la visite du garde champêtre, qui l’avisa d’avoir à faire connaître dans les quarante-huit heures au maire, M. Triboulet, s’il était disposé à effectuer de ses deniers les réparations nécessaires. Nécessaires et considérables : la toiture tombait par morceaux dans le chœur et la nef, et l’architecte officiel estimait la dépense à 48 000 francs. M. Auvray avait trouvé 25 000 francs, qu’il mettait à la disposition de la municipalité, mais ne pouvait faire plus... Six mois passèrent, puis le garde champêtre revint au presbytère et s’étant fait donner sous un prétexte les clefs, qu’il mit brusquement dans sa poche, il prévint le curé qu’un décret avait paru et que l’église était désaffectée Dans la semaine, une affiche signée de MM. Triboulet, maire et maître Paillard, huissier, annonça la vente à l’encan « des effets et objets du culte. »

M. Henry Carbonelle de la Liberté a suivi les enchères. Écoutez son récit :

« Quand j’arrive à Grisy, je croise, sur la route qui conduit de la gare au village, trois ou quatre jeunes gens du pays, qui se sont rendus acquéreurs de vêtemens d’enfans de chœur. Ils