Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous autres laïques, que ce souci supérieur n’absorbe pas, veillons à protéger des pierres qui intéressent la nation autant que la religion. C’est la tâche que je me suis donnée et j’y reviens :

— Enfin, monsieur le ministre, je ne sais pas où vous avez vu les catholiques se désintéresser de leurs bâtimens religieux, mais je suis prêt à vous énumérer des communes qui, pour rien, pour le plaisir d’avoir une ruine au milieu du village, refusent aux fidèles le droit d’entretenir avec leur bel argent leurs églises.

— Mais non, mais non, monsieur Barrès, on exagère, ces communes n’existent pas.

— Du moins, reconnaissez qu’elles peuvent exister, votre loi fournit aux municipalités sectaires un moyen sûr pour anéantir les églises.

M. Briand ne le nia pas, mais il prétendit que les maires les plus sectaires n’y auraient pas d’intérêt, vu que le Conseil d’État établit qu’une église ne peut pas être désaffectée, s’il y a des offres de concours.

Bien faible argument, puisque les municipalités peuvent toujours refuser ces offres des catholiques et que, l’argent accepté, elles peuvent indéfiniment différer les travaux.

Mais aucune difficulté n’arrêtait le ministre.

— Croyez-moi, me disait-il, ne bougez pas, laissez faire. Des mœurs se créent ; le Conseil d’État, dans une suite d’arrêts et d’avis, a beaucoup travaillé pour l’apaisement. C’est un corps excellent, modérateur, très sage. Grâce à lui se crée une jurisprudence. L’état de fait, en se prolongeant, se transformera en état de droit par le seul effet de sa durée. Je comprends, monsieur Barrès, votre préoccupation très respectable, surtout de la part d’un artiste, mais elle vous amène à vous exagérer la situation. Il faut se méfier de certains renseignemens. Ni dans l’administration, ni dans le pays, il n’y a la mauvaise volonté que de bonne foi vous croyez y voir. Je ne suis pas pour la politique de coups de bâton. Les églises jouent un rôle dans la vie de ce pays ; nos paysans y tiennent, ils s’y retrouvent chaque semaine ; elles sont pour eux des centres de marché. Devant l’église, on se rencontre, on discute les affaires…

Cette conception du rôle des églises plaît beaucoup à M. Briand. Il y revient volontiers. C’est une conception laïque. Je m’en fais l’écho avec plaisir. Si j’avais entendu de M. Briand