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pour Mme de Staël d’affirmer et de consolider ses droits à cette nationalité française qu’on lui disputait et qu’elle avait un intérêt croissant à faire reconnaître. Toujours elle s’était appuyée sur un article de la Constitution de l’an III, qui attribuait la qualité de Français aux enfans d’un étranger résidant en France au moment de leur naissance pour soutenir que cette qualité ne saurait lui être refusée. Il existe même aux Archives Nationales un long mémoire adressé par elle, en nivôse an V, au Ministre de la Justice où elle proteste, en s’appuyant sur cet article, contre l’idée qu’elle puisse être déportée sans jugement[1]. Le Mémoire se termine ainsi : « Je sais d’ailleurs que mon état de grossesse me met à l’abri, par tous les droits de l’humanité comme par toutes les lois de la France, d’aucune espèce d’acte de rigueur. Vous trouverez néanmoins, citoyen ministre, qu’il est dans l’esprit républicain de chercher avant tout l’esprit de la loi et de se placer sous son égide. « Mais, depuis lors, force lui était de reconnaître qu’une législation nouvelle avait été promulguée, et cette législation faisait perdre la qualité de Française à une femme ayant épousé un étranger. Aussi n’avait-elle garde de négliger le conseil que lui avait donné Lebrun. Elle se présentait devant le maire de Metz, et celui-ci lui délivrait une attestation de laquelle il résultait : « Que Mme Necker de Staël Holstein, étant née Française, résidant en France lors du décès de son mari et ayant recouvré la qualité de Française en vertu de l’article 19 de la première section du chapitre II du titre Ier du Code civil, est dans l’intention de jouir des droits attachés à la qualité de Française et de continuer à ce titre son domicile en France. » Elle s’empressait même d’envoyer cette pièce à Lebrun dont nous verrons plus tard la réponse. En même temps, elle écrivait à Joseph Bonaparte :

Metz, ce 7 novembre.

Je suis restée ici quinze jours, mon cher Joseph, et par abattement et par l’idée confuse que peut-être un mot de vous viendrait me tirer de là. Cela n’était pas probable, mais votre bonté n’est-elle pas surnaturelle, et ne pouvais-je pas attendre un miracle de ce miracle ? Je continue ma route pour Francfort, mais je ne me crois pas la force d’aller jusqu’à Berlin ; c’est trop loin. J’établirai mon fils dans quelque université, et j’attendrai là que votre influence bienfaisante me rende ma patrie. Mon pauvre père, qui a été bien

  1. Cote BB16,709.