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MES ESPAGNES

L’Espagne redevient à la mode chez nous. Ici même, M. Francis Charmes se réjouissait, l’autre jour, de l’intimité rétablie ou resserrée entre les gouvernemens des deux nations. Littérairement, nous pouvons aussi nous réjouir de cette curiosité sympathique, qui tourne certains d’entre nous vers les choses et les gens d’Espagne. L’imagination française a toujours trouvé dans la littérature et les mœurs espagnoles un tonique salutaire. J’oserai même dire qu’elle a besoin de cet excitant. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle s’est accoutumée à prendre le chemin de « delà les monts. » Périodiquement elle est allée s’exalter ou retrouver le sens de ce qu’on appelait au XVIIe siècle « la belle nature, » au pays de Velazquez, du Cid et de sainte Thérèse. La griserie même du coup de soleil poétique, que nous subissons là-bas, nous fait du bien. A nous autres, vignerons de plat pays, un verre de vin musqué et doré de Manzanilla, bu sur la table du plus sordide cabaret, découvre tout à coup un monde d’enchantemens.

Notons ce fait. Aux époques d’affaissement, ou, si l’on aime mieux, d’accalmie et de détente littéraires, nous nous replions sur nous-mêmes, sur nos mœurs, nos traditions et nos paysages. A cet époque-là, on célèbre l’Ile-de-France. On s’évertue à relever les grâces ancillaires et mortifiées de nos plus humbles sites. : On peint en grisaille les épisodes monotones ou charmans de la vie provinciale. C’est aussi le temps où la bonne marque pour un livre est d’être « bien parisien. » On assemble, on déballe des documens. Le lyrisme s’évanouit en sentimentalité. Les