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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/594

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parlons aux Hellènes que de Phidias et du Parthénon, de Sophocle et de l’Hermès de Praxitèle. Eux ripostent par des doléances sur l’attitude de l’Europe à l’égard de leur patrie, — et, tandis que nous dissertons sur la frise des Panathénées, ils insistent désespérément sur l’augmentation de leur flotte et de leur armée, sur l’essor de leur commerce et de leur industrie, sur leurs justes revendications nationales. Le soliloque continuant de part et d’autre, il y a peu de chances pour que nous arrivions jamais à nous comprendre.

A cela on répondra que l’artiste est libre d’envisager un pays comme il lui plait. Qu’on me l’accorde, et je suis heureux. Prenez le passé si vous voulez, mais avouez que le présent ne manque pas non plus d’intérêt. Vous le contestez et vous dites : « A quoi bon chercher l’Espagne là où elle n’est plus ? En quoi Séville, Valence, Barcelone, ces grandes villes, envahies par l’industrialisme moderne, diffèrent-elles de Marseille, de Naples, ou d’Alger ?... — Mais si 1 elles en diffèrent, elles en diffèrent même beaucoup. Le tout est de le voir. Or la plupart en sont incapables. Hs fuient le rude contact de la réalité. Ils ne savent point, comme disait Renan, « extraire le diamant des foules impures. » La vie toute nue les effare. Il faut qu’on la leur présente déjà travaillée par la littérature, — déjà devenue de la littérature.

Et je ne m’engagerai pas dans l’inutile débat de savoir si Madrid est plus espagnole que Barcelone, et Burgos que Madrid. Je remarquerai seulement que, peut-être, c’est à Barcelone que l’Espagne de demain se prépare. Réfléchissons-y un instant. Ce que nous appelons « la vieille France, » ce que nous allons déterrer dans nos provinces les plus lointaines et les plus perdues, dans nos petites villes les plus mortes, — cette sensibilité, ces idées, ces mœurs périmées, et qui nous semblent si locales, — tout cela fut élaboré à Versailles ou à Paris, dans des milieux très mélangés, où, souvent, c’étaient des étrangers qui donnaient le ton : un Antonio Pérez, un cavalier Marin, un chevalier de Buckingham, un abbé Galiani, un Horace Walpole. Peut-être que, dans le Paris cosmopolite d’aujourd’hui, se prépare aussi l’âme française de demain.

Mais ce n’est pas seulement l’avenir qui s’annonce ou se laisse deviner dans ces grands centres de la moderne Espagne : j’y retrouve encore tout le passé. Cette histoire, que nous nous