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puisque votre secteur est déjà pacifié ! » dit-il un jour à Imbert, tandis qu’ils cheminaient en précédant la troupe qui venait d’explorer un massif lointain. Merton, qui marchait près d’eux, protesta doucement : « Ne chantons pas victoire tant que notre œuvre n’aura pas subi l’épreuve des mauvaises nouvelles. Il suffirait peut-être de l’échec retentissant d’une colonne quelconque pour tout bouleverser chez nous ! »

Comme il parlait, un groupe de cavaliers armés apparut au sommet d’une côte voisine, sur la route de Sidi-Kaddour. Ils discutaient avec animation et semblaient joyeux : « D’où venez-vous ? leur demanda Imbert au passage. — Du « baroud ! » répondit l’un d’eux dont les yeux luisaient. — Quel baroud ? » questionna aussitôt Merton étonné. Tous alors glapirent à la fois, et Merton crut comprendre qu’il s’agissait d’une razzia de troupeau tentée aux environs du poste par des Beraber repoussés avec pertes : « Oh ! oh ! dit Imbert ; si les Zaïan bougent, il doit y avoir du nouveau ! » Et, sans s’attarder à de verbeuses explications, il confia sa troupe au plus ancien officier et partit au galop, avec Pointis et Merton.

Une foule énorme dressait une forêt de fusils sur l’unique rue de Kaddourville et la cour des Renseignemens. Fendant le flot d’indigènes surexcités, un capitaine courut à la rencontre d’Imbert, tandis que Merton, agrippé au passage par les notables qui l’entraînaient vers le centre du rassemblement, s’efforçait en vain de démêler la vérité dans leurs récits confus. En phrases hachées, Imbert apprenait la cause de cette émotion. Une bande d’environ cent cavaliers, dirigée par les fils du Zaïani, avait franchi le Grou à l’Oldjet-bou-Kremis. Elle était arrivée par surprise jusqu’à cinq kilomètres du poste où elle avait trouvé un troupeau de cent moutons gardé par deux enfans, et l’avait enlevé. Les bergers couraient aussitôt donner l’alarme aux Ouled Moussa campés dans les vallons voisins. Les Ouled Moussa étaient montés à cheval ; le poste avait envoyé des fantassins et quelques goumiers. Le maréchal des logis rallia les indigènes qu’il entraîna vivement à la poursuite des ravisseurs. On n’avait pu reprendre les moutons, mais on avait tué deux Zaïan, blessé plusieurs autres, fait prisonnier un esclave noir de Moha-ou-Ammou, attrapé un cheval, ramassé quatre fusils.

Pendant ce récit, Imbert et Pointis avaient rejoint Merton. Un spectacle inattendu les figea sur place. Dépouillés déjà de