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trente kilomètres entre la mehallah zaïan et les proies qu’elle convoitait, on enlevait à Moha-ou-Ammou toute chance de succès dans les incursions qu’il chercherait à tenter. Le plateau devenait ainsi un champ clos où les bandes ennemies devraient au préalable se mesurer avec les troupes du poste. D’ailleurs, avec de l’adresse et de l’agilité on pourrait les maintenir dans la profonde vallée du Grou, où l’on irait les surprendre si quelque occasion se présentait. « Chacun de vous, conclut Imbert, aura sa part dans les heureux engagemens que je prévois. »

« Mais cette tactique n’est possible que si nos tribus restent fidèles ou gardent au moins la neutralité ! » objecta un capitaine qui songeait à la réputation de fourberie des Zaer. — Oh ! protesta aussitôt Merton, elles seront pour nous aussi longtemps qu’elles se sentiront bien gardées ! — Soit. Mais ne vaudrait-il pas mieux attendre dans le poste que les Zaïan et les dissidens viennent nous assiéger ? Nous les battrions tous ensemble et d’un seul coup, en leur infligeant de grosses pertes ! dit un officier que le souvenir de Mazagran empêchait souvent de dormir. — Allons donc ! s’exclama Imbert. Croyez-vous habile de se laisser immobiliser par quelques dizaines de cavaliers qui feraient la fantasia dans les rochers autour de nos murailles, tandis que le gros de leurs forces irait sans danger piller et massacrer les indigènes qui se sont confiés à nous ? Sans doute, il nous serait facile de faire de la réclame aux « héroïques défenseurs de Sidi-Kaddour ; » mais on ne m’a pas donné 820 rationnaires et 2 canons pour que je les garde avec soin à l’abri des coups ! »

Ainsi, le dénouement était proche. Au delà du Grou, sur les plateaux et les ravins hors des vues, des foules en armes se rassemblaient pour bouleverser les travaux pacifiques d’Imbert et de ses collaborateurs. Une faute, un échec pouvaient anéantir les résultats de la patiente colonne des Zaër, ramener à la barbarie un vaste district que deux mois de paix et d’efforts avaient déjà transformé. L’appréhension inspirée par l’audace et l’activité de la garnison avait pu différer jusqu’à ce jour l’entrée en campagne d’ennemis entreprenans sans doute, mais plus fanfarons encore que vraiment belliqueux. Cependant, ils semblaient maintenant décidés à s’ébranler sans retard.

Or, la prise de contact s’effectuait sous de fâcheux auspices pour les Beraber et les dissidens coalisés. Dans la nuit, un Sénégalais