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dans un douar éloigné de 26 kilomètres, sur les confins des Tadia révoltés ; par surprise, on pourrait les prendre sans coup férir. Imbert comprit que Merton en grillait d’envie, malgré les risques de l’aventure : « Bah ! conclut-il après une courte discussion, la chance nous a toujours souri ; cette fois encore vous réussirez. Le coup de main fera du bruit dans le Landerneau zaër. » Mais avec soin, il combina le plan de l’opération pour ne rien laisser au hasard.

Le succès dépassa toutes les espérances. Le lendemain, Pointis, qui avait accompagné Merton, ne tarissait pas d’éloges, malgré sa fatigue, sur l’entrain de la troupe et le brio de la razzia. Sans égards pour la modestie effarouchée de Merton, il en racontait avec complaisance tous les détails. La troupe, composée des trente meilleurs cavaliers du goum, de trois sections de marsouins, de goumiers et de Sénégalais, avait rivalisé d’endurance et de bonne humeur. On était arrivé après le lever du soleil sur une crête où l’infanterie prenait position à 500 mètres du douar. Puis Merton et ses cavaliers avaient cerné les tentes. Leur arrivée inopinée causait une panique bientôt changée en fureur belliqueuse. Les notables et les habitans parlaient de prendre les armes pour défendre leurs biens, mais leur arrogance cessa devant les accusations précises de l’indicateur, le calme de Merton et le voisinage des fantassins aux fusils menaçans.

On avait fait sortir promptement le troupeau des Bou-Acheria, qui était parqué avec tous les animaux du douar ; on s’était éloigné sans perdre de temps, car les hauteurs se couvraient de curieux qui semblaient se concerter. On avait pris à peine une demi-heure de repos et, toujours poussant le troupeau dans une marche rapide, on avait encore enlevé au passage un lot de 300 moutons qui appartenait à l’un des chefs des assiégeans de l’Oued Zem. On arrivait enfin au complet à Sidi-Kaddour ; les fantassins avaient parcouru 52 kilomètres en quinze heures et ramenaient plus de 700 têtes de bétail. Les Sénégalais dansaient en entrant dans le poste et chantaient en chœur, dans leur français puéril : « Y a bon ! Ici, moyen faire la guerre ! Nous, jamais fout’ le camp, toujours tuer beaucoup Marocains, toujours prendre beaucoup moutons ! »

« Hé ! ils ont raison ! remarqua un officier qui avait guerroyé au Soudan. En ces trois préceptes ils résument ainsi tout l’art