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Dieu, célébrer les offices avec la solennité et la perfection due. »

L’amour et le service de Dieu, les grands maîtres du XVIe siècle espagnol, — nous parlons maintenant des musiciens proprement dits, — ne se sont jamais proposé d’autre fin. Et c’est pour cela qu’entre tous leurs contemporains et leurs émules, ils ont mérité le nom de mystiques. Leurs personnes et leurs œuvres, tel est le sujet que traite M. Collet dans la seconde partie de son livre. Il les distribue entre quatre écoles, ayant chacune son pays, ou sa province, et son caractère : l’andalouse, dont l’idéal, d’après l’illustre Morales, une de ses gloires, est de « donner à l’âme la noblesse et l’austérité ; » la valencienne, que M. Pedrell, disions-nous tout à l’heure, a qualifiée d’ « exultante ; » la catalane, un peu moins purement espagnole et mystique, plus sensible que les autres à l’influence de l’Italie plus voisine ; enfin la castillane, ou la tolédane, la plus féconde et la plus puissante, que représente et domine un génie unique, un seul nom, peut-être le plus grand de l’Espagne musicale, Victoria. Des érudits assurent que cette quadruple répartition n’est pas entièrement à l’abri du reproche d’incertitude et d’arbitraire. Pour en décider, il nous faudrait connaître, d’une profonde, intime connaissance, non pas une pléiade, mais des pléiades de musiciens dont l’éclat jusqu’à présent nous demeure voilé. Il faudrait connaître leurs œuvres autrement que de vue et par la seule lecture. C’est le malheur de la musique ancienne, que, la plupart du temps, alors même qu’elle n’est pas. inédite, elle soit inouïe. Il ne tient qu’à nous d’aller admirer sur place les tableaux d’un Greco ; mais où donc et quand nous est-il possible d’entendre les harmonies d’un Ceballos ou d’un Robledo, et de trouver, de chercher, dans les sons du moins, « le secret de Tolède ? » Non pas seulement celui de Tolède, mais encore et surtout celui de Séville, et celui de Valence, en un mot celui de l’Espagne entière. Qui nous révélera le génie de ces maîtres sans nombre, les Morales et les Guerrero, les Comès, les Cabezon, et cent autres, dont M. Collet ne peut, hormis quelques citations de leurs œuvres, que nous raconter l’histoire et nous vanter la foi. Foi mystique, enflammée, histoire toute pleine d’austérité, de saintes ardeurs et de mélancolie, quand ce n’est pas de sombre tristesse. « Esprit méditatif, très dévot, un peu secret, avec une faculté rare d’onction et d’émotion, » tel était le grand Moralès. En sa personne on remarquait surtout « l’énergie et la gravité du regard, la puissance du geste, l’abondante et noire chevelure. « — « On ne peut dire que son art soit un art heureux, mais il est élevé, puissant, personnel. Un certain dramatisme l’anime parfois. » Plus douce, plus