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ressuscitait une sorte de pays légal, puisque, dans ce système, ce sont les inscrits qui sont représentés et non pas la population tout entière ; or, c’est celle-ci qui doit l’être, y compris les femmes, les enfans, les incapables. Cette doctrine, qui est à nos yeux d’une stricte orthodoxie, avait peut-être un caractère trop métaphysique pour l’esprit de la Chambre, et nous ne sommes pas surpris qu’elle ne s’y soit pas arrêtée ; mais qui aurait cru qu’elle s’amputerait elle-même de 77 de ses membres ? Elle l’a fait pourtant, et il faut bénir la grâce d’en haut qui a agi sur elle, peut-être à son insu, lorsqu’elle a émis ce vote imprévu. Nous souhaitons vivement que le Sénat le maintienne. Les députés sont beaucoup trop nombreux, et c’est ce qui donne si souvent à la Chambre l’aspect d’une foule. On n’a d’ailleurs pas oublié que lorsque la Chambre a élevé d’autorité le traitement de ses membres de 9 000 à 15 000 francs, devant le surcroît de dépense que devait coûter cette autre « réforme, » l’engagement a été pris de diminuer le nombre des députés. Est-ce cette promesse que la Chambre a voulu tenir à la veille des élections, tout en espérant que le Sénat ne s’y prêterait pas ?

La situation du gouvernement a été difficile dans ce débat. Plusieurs ministres ont été notoirement autrefois partisans du scrutin d’arrondissement : aussi, lorsque le Sénat s’est prononcé contre la représentation des minorités au moyen du quotient, n’ont-ils eu aucune peine à la condamner à leur tour. Mais voilà que tout d’un coup la Chambre a ressuscité le quotient et imposé à M. Barthou la tâche délicate pour lui de le soutenir au Luxembourg. Il a accepté cette mission avec philosophie : espérons qu’il la remplira avec succès. On comprend que le Sénat ait repoussé une première fois une loi que la Chambre avait votée pour elle-même et où il s’agissait de sa propre élection : on comprendrait moins qu’il s’obstinât après un nouveau vote qui a été émis à la majorité de 333 voix contre 225. Lui aussi, vraisemblablement, se résignera. La question ne sera d’ailleurs pas résolue pour cela parce que la loi est et restera trop mal faite pour n’avoir pas besoin d’être révisée un jour, mais il y aura un temps d’arrêt et les élections de mai apporteront sans doute quelques lumières sur ce que devra être la révision. Le Parlement actuel ne peut pas avoir la prétention de construire pour l’éternité.


L’intérêt principal se porte aujourd’hui sur les questions financières : on sait combien elles sont graves et complexes. Pendant plusieurs années, on a pu faire illusion au pays et lui donner à croire,