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cela arrive dans tous les pays et d’habitude les gouvernemens ne donnent pas à ces opinions de la presse plus d’importance qu’il ne convient. On tremble à la pensée de ce qui arriverait, s’il en était autrement ! Hier encore, la presse italienne, aujourd’hui apaisée, jetait contre nous feu et flamme, sans d’ailleurs trop savoir pourquoi. Nos propres journaux ont mis un grand empressement à fournir des explications à leurs confrères italiens, et tout s’est arrangé. Mais quel n’aurait pas été le danger si, pour parler comme le comte Berchtold, les manifestations de la presse italienne avaient reflété l’opinion des sphères compétentes ? Le plus souvent, ces manifestations sont feu de paille : il serait toutefois périlleux de les renouveler trop souvent.

Où le comte Berchtold a tout à fait raison, c’est lorsqu’il dit qu’il n’y a pas d’intérêts appréciables qui séparent l’Autriche de la France : aussi, pendant ces dernières années, les deux pays, bien qu’ils appartinssent à des groupes politiques différens, ont-ils pu pratiquer l’un à l’égard de l’autre une politique bienveillante dont nous avons quelquefois éprouvé les effets utiles, et sans doute ce qui nous est arrivé est-il arrivé également à l’Autriche. Il n’y a nulle part en France un mauvais sentiment contre ce pays. L’opinion, chez nous, a une tendance généreuse à exprimer sa sympathie à un peuple petit et vaillant, lorsqu’elle le voit en butte aux mauvais procédés d’un voisin beaucoup plus puissant. Le drame la touche. Voilà pourquoi elle s’est vivement préoccupée du sort de la Serbie, avec le plus parfait désintéressement d’ailleurs. Insuffisamment instruite, elle ne voit généralement qu’un côté des choses, le plus apparent, celui qui excite le plus sa sensibilité : il ne faut pas en conclure qu’elle condamne tout le reste, ce qu’elle ne voit pas, ce qu’elle ne sait pas. Et, au surplus, le comte Berchtold est-il bien sûr que sa politique, qui est en ce moment l’objet, en Autriche même, de si vives critiques, soit, pour le présent et encore plus, pour l’avenir, la meilleure qu’il y ait à suivre à l’égard de la Serbie ?


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.