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jour le « trésor des curés, » comme il disait. Des témoins nous ont décrit tout au long les ignominies auxquelles se livrèrent des hommes brutaux, excités par les pourboires de ce chercheur de trésor. On nous les a montrés faisant danser le rigodon aux corps qu’ils déterraient, au milieu des petits enfans accourus de l’école. (Exclamations.) Le cœur se soulève de dégoût.

J’ai fini. Vous me rendrez cette justice que je ne vous ai apporté aucune considération tirée de la politique de parti, ou de l’apologétique dogmatique. Je me suis placé devant les faits, devant le fait religieux. Il n’est pas permis à des législateurs de ne pas tenir compte d’une réalité. Le sentiment religieux existe : l’église du village est ce sentiment rendu visible. Ces églises sont idéologiques, les seuls édifices idéologiques qu’ait le peuple, c’est-à-dire chargés uniquement d’idées qui ne représentent pas de la besogne. Respectez donc ces pierres nécessaires au plein épanouissement de l’individu.

Monsieur le Ministre, en dépit de quelques divergences que j’ai saisies au long de ce discours, je vois qu’ils sont nombreux ici ceux qui croient qu’au nom d’une néfaste politique d’un jour, il ne faut pas compromettre quelque chose de séculaire et qui joue un tel rôle dans l’histoire de notre pays et de la civilisation. (Très bien ! Très bien ! au centre et à droite.) Eh bien ! que pensez-vous faire pour protéger ces hautes expressions de la spiritualité française ? Quelles mesures de défense prendrez-vous contre ces nouveaux barbares qui, hier, au sortir de l’encan, traînaient, dans les ruisseaux de Grisy, le drap des morts ?

Pour ma part, je suis venu défendre à cette tribune l’église de village au même titre que je défendrais le Collège de France. (Très bien ! Très bien ! au centre et à droite.)

Messieurs, vous avez reproché à la théologie de mutiler la vie, ne faites pas de même. Vous avez reproché à la conception théologique du monde d’être un cercle trop tôt fermé dans lequel le monde étouffait, prenez garde à votre tour qu’après avoir prétendu étendre ce cercle jusqu’à lui faire embrasser la totalité de l’univers, vous ne vous laissiez aller, dans un stérile esprit de lutte et de rancune, à le fermer trop tôt et à laisser en dehors une grande partie de ce qui est l’aliment de )a vie de l’âme, (Vifs applaudissemens au centre, à droite et sur