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les deux côtés quelques enfans de chœur, que suit la double colonne des garçons et des filles. Ils portent de minces et brillantes bannières, et des sœurs de la Doctrine, aux ailettes blanches, placées en serre-file comme des sergens de bataille, maintiennent une douce discipline militaire. Tout ce petit monde récite la belle prière »... maintenant et à l’heure de notre mort... » et c’est d’un effet prodigieux, ce grand mot jeté par une centaine de voix enfantines, cette bonne volonté des plus petits à s’élever vers ces grands objets mystérieux.

A leur suite s’avance le groupe des jeunes filles en blanc qui soutiennent sur des brancards la lourde statue dorée de la Vierge. C’est la pensée de notre chevalerie et celle de saint Bernard, c’est le culte de l’idéal féminin, c’est la tradition celtique et française qui se développe ici en cortège, et qui s’élève dans les airs avec les Ave Maria.

Les dames de la ville leur succèdent, groupées en congrégations et portant au cou de larges rubans violets.

Maintenant, c’est le clergé, M. le curé et ses vicaires.

Et, pour fermer la marche, les hommes en habits du dimanche qui, tout d’une voix, répètent inlassablement le cantique : « Je suis chrétien... « Leur accent plus fort de minute en minute et qui défie, ce piétinement des pas et ces voix ont quelque chose de guerrier. Leur refrain, c’est un drapeau bien tenu et qui entraîne. J’entends : « Nous sommes frères. » Et ce bataillon, avec sa cadence, me convainc mieux qu’aucune apologétique.

On ne permet plus à la procession de circuler dans la petite ville. Vivement, au bout de la rue, elle s’engouffre dans un jardin, un très vieux jardin, suspendu sur les anciens remparts et qui fut longtemps la propriété d’une famille noble. Maintenant il abrite les prêtres les plus âgés du diocèse qui achèvent leur vie en regardant la rivière et les prairies, où conduisent deux cents mètres de lacets... A la tête de ces sentiers, au bord de la terrasse, les jeunes filles qui portent la Vierge s’arrêtent et déposent la belle statue de manière qu’elle préside à la descente et puis au retour du cortège chantant. Avec elles se tiennent la fanfare du patronage, les trois chantres et M. Martin, mon vieux maître de musique, l’archet sur le violon. La fanfare sonne aux champs, les jeunes filles chantent et mon vieux maître joue du violon.