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ordonnances ont institué le long de leurs berges, mais que des voisins peu respectueux rétrécissent ou interrompent par des fossés, les rivières n’en étaient pas moins le mode de locomotion le plus économique. De Barfleur (Cotentin), au milieu du XVIe siècle, les voyageurs venaient à Paris par mer et par Seine ; ils envoyaient aussi des lettres par cette voie. Le coche d’eau de Paris à Rouen, qui mettait quatre jours pour aller et autant à peu près pour revenir, garda longtemps une clientèle parce qu’il ne coûtait que 36 francs.

Quoique le curé de Nogent-sur-Seine, dès 1781, se plaigne « que la marine dépérit beaucoup et qu’il en suit une forte diminution de son casuel, » la navigation de la Seine, du Havre a Montereau, occupait encore au milieu du règne de Louis-Philippe il bateaux à voyageurs ; sur la Loire on comptait alors 39 bateaux faisant le parcours de 610 kilomètres de Saint-Nazaire à Digoin ; sur la Gironde et la Garonne 26 bateaux allaient de Royan à Agen. Ceux de Seine jaugeaient en moyenne 60 tonnes, ceux de Loire 30 tonnes seulement ; à la queue du bateau maire étaient attachées des allèges, bateaux de suite, pour prendre en cas de besoin une partie de la charge, surtout aux époques de basses eaux.

Les villes sises sur des rivières ont des services de « bateaux de poste » pour se relier aux centres de leurs régions. Les consuls et notables de Bergerac en établissent un, « à l’instar de celui d’Agen » (1641), pour descendre une fois par semaine à Libourne et remonter à la tire le lendemain. Le maître du bateau devait recevoir gratis, — il y avait déjà des « permis » et des franchises, — les religieux mendians et ce qui regardait les affaires du Roi. Au mât devait être mis un tronc pour les pauvres de la ville « qui prieront Dieu pour ceux qui s’embarqueront. »

Au départ de Paris pour Roanne, sur la Loire, le propriétaire du canal de Briare avait le privilège exclusif de la conduite hebdomadaire des voyageurs ; de Roanne à Orléans, la navigation était libre ; les cabanes, petites maisons flottantes qui descendaient le fleuve, étaient accueillies sur le port par un tas de faquins qui se jetaient à trente sur deux ou trois petits paquets ; « huit d’entre eux, dit le Roman Comique, saisissent une petite cassette qui ne pesait pas vingt livres. »

La route fluviale la plus fréquentée était celle de Chalon à