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plus lent, et surtout la guimbarde qui allait en Blaye en dix-sept jours, avaient des tarifs plus bas.

Lorsque Turgot arriva aux affaires, il se trouvait en France deux organismes distincts : les postes, qui avaient des chevaux et pas de voitures, les Messageries, qui avaient des voitures et peu ou point de relais. L’idée du ministre, qui paraît aujourd’hui assez simple, mais que personne avant lui n’avait eue, consista à atteler aux diligences les chevaux de poste dont l’emploi était jusqu’alors restreint aux courriers porteurs des correspondances et aux chaises de luxe. Celles-ci étant peu nombreuses, le métier de maître de poste n’était guère avantageux ; en guise de salaires, l’Etat les avait gratifiés d’une exemption totale d’impôt, limitée plus tard à SO hectares de terre, puis à 100 francs seulement, parce que souvent les chevaucheurs « tenant la poste pour Sa Majesté » n’étaient que les prête-noms de propriétaires locaux, qui se faisaient pourvoir du titre pour jouir de l’exemption.

Gagnant peu, l’effectif de leur cavalerie était assez mince ; les actes officiels constatent que bien des postes sont abandonnées par leurs titulaires ; les maîtres des relais voisins se voyaient forcés de faire doubles traites et, si les vacances se prolongeaient faute de candidats, les municipalités des lieux étaient tenues d’assurer le service. L’espèce chevaline ne comptait sans doute pas en France plus de 500 000 têtes, — au lieu des 3 millions d’aujourd’hui, — lorsque Turgot, pour exécuter sa réforme, manda devant lui les « maquignons » les plus expérimentés et leur proposa d’entreprendre la fourniture de 5 800 chevaux de forte race au prix de 720 francs chacun. Quoique l’affaire excédât 4 millions de francs, ils la refusèrent en disant « qu’ils ne croyaient pas qu’une si grande quantité de chevaux disponibles existât dans tout le royaume. » Le ministre se borna à inviter « les maîtres de poste qui avaient peu de chevaux, parce qu’ils sont établis sur des routes peu fréquentées, à s’en procurer davantage. »

Les chevaux se trouvèrent en effet, non sur cet avis platonique, mais en raison du supplément de clientèle que leur apportaient les nouvelles diligences : il était stipulé que, pour la charge de 900 à 1200 kilos, — représentant les voyageurs et les bagages, — à laquelle s’ajoutait le poids de la voiture vide, le nombre des chevaux attelés serait de 6 à 8. Au prix officiel de