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déchirans que ceux des passagers qui s’embarquent présentement pour la Chine. Les silhouettes que dessine en 1813 l’Hermite de la Chaussée-d’Antin : l’actrice, engagée pour une tournée de province, voyageant dans l’intérieur avec son « entrepreneur de succès, » ou claqueur, dans le panier ; le débiteur fugitif, que quatre recors munis d’une contrainte viennent, au moment où l’on ferme les portières, inviter à se rendre à Sainte-Pélagie ; le barbon à qui sa gouvernante ôte soigneusement sa perruque et frotte la tête avec une flanelle, sont des espèces qui semblent plus que centenaires.

Mais c’est surtout le nombre des voyageurs qui a changé : lecture était donnée à l’Institut, en 1824, d’un mémoire constatant triomphalement « qu’en 1776 il existait 27 coches offrant 270 places, tandis qu’aujourd’hui nous possédons 300 voitures pouvant contenir 3 000 voyageurs. » Notre « aujourd’hui » à nous compte, sur l’ensemble des réseaux français, 12 400 trains de voyageurs par jour, dont plus de 800 au départ de Paris. Pour aller à Lyon, par exemple, le public dispose quotidiennement de 6 000 places, au lieu de 44 en 1850, de 16 en 1810 et de 7 en 1790.

Dans leurs 31 000 wagons de toutes classes, remorqués par des locomotives dont la puissance sans cesse grandissante, de 150 chevaux au début, atteint maintenant 850 chevaux-vapeur, l’ensemble des chemins de fer français qui, sous Louis-Philippe, voituraient annuellement 112 millions de voyageurs-kilométriques, en d’autres termes 1 million de voyageurs faisant chacun une centaine de kilomètres, transportent aujourd’hui 17 milliards de voyageurs-kilométriques, c’est-à-dire 170 millions de personnes accomplissant un parcours moyen annuel de 100 kilomètres.

Et tandis que leur clientèle devenait 170 fois plus nombreuse, le prix, dans nos véhicules modernes, s’abaissait des neuf dixièmes : au lieu des 40 centimes par kilomètre que coûtait une place d’intérieur dans les diligences de l’ancien régime, il n’est perçu par les chemins de fer actuels que 04 centimes en moyenne, impôt compris. Il paraît au premier abord invraisemblable, — bien que, sur 100 voyageurs, il y en ait 72 de troisième classe, 21 de seconde et 7 seulement de première, — que la moyenne ressorte à 4 centimes par kilomètre, lorsque les tarifs sont respectivement de 5, 7 et demi et 11 centimes,