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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/840

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dévasta la Palestine. Enfin nul d’entre eux ne se montre sans évoquer les siècles mieux connus de la Carthage sidonienne, punique, romaine, chrétienne, vandale, byzantine, arabe, ou celle de la croisade française, cette Carthage qui, neuf siècles avant le Christ, attira les forces éparses des Africains autour de la reine Didon-Elissar et de ses colons tyriens.

C’est une promenade à travers la patrie des Annibal qui, trois mille ans, rejeta vers les espaces sahariens ses rebelles, ses vaincus, ses réfractaires, ses païens et ses infidèles condamnés par l’orgueil de tous les Barca et de tous les Hannon, par la politique de Rome, par l’intolérance des catéchumènes, par la brutalité des Vandales, par l’intransigeance des orthodoxes, par le fanatisme des califes. Sous les baobabs et dans les maisons du Cayor, sur la rive droite sablonneuse et sur la rive gauche boisée du Sénégal, dans les montagnes forestières du Bambouk, le long du Niger inondant ses plaines herbeuses aux troupeaux innombrables, subsiste la civilisation de ces Massinissa berbères, de ces Hamilcar puniques, de tous ces Méditerranéens qui, d’oasis en oasis, atteignirent, puis organisèrent, successivement, d’abord les noirs Saracolés régnant depuis le IIe siècle avant J.-C. sur l’empire saharien de Ghana, ensuite, vers 800, les Toucouleurs maîtres du Tekrour sénégalais, plus tard, en 1050, les Bambaras de l’empire Mandingue souverain, au XIVe siècle, sur les pays de l’or en poudre, Galam et Bambouk, sur le Niger de Bammako. Auparavant, vers 690, des Berbères chrétiens, les Lemta, chassés de leur Tripolitaine par l’Islam, étaient parvenus jusqu’à la Boucle de ce fleuve, non loin de Gao. Ils y encadrèrent et régentèrent le peuple Songaï, qui finit par réunir, durant le XVe et le XVIe siècle, tous les pays de Gao, de Tombouctou et de Djenné, sous la domination des Askias soninkès.

En échange de leur or, de leurs plumes, de leurs gommes, de leur ivoire, et de leurs esclaves conquis pendant les guerres intestines, ces grandes nations africaines reçurent des Méditerranéens, les armes, les outils, les ustensiles, de Carthage, même des chevaux et des troupeaux, même les marchandises des navigateurs égyptiens, avec les mœurs, les usages, les modes. Partiellement civilisés, les aïeux, les fils des Massinissa ou des Hamilcar ont pénétré les peuples noirs des régions sénégalaises et soudanaises. Par de scrupuleuses, par de savantes études que M. le gouverneur Clozel publia dans le Haut-Sénégal-Niger,