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de Bossuet devait faire à la profondeur de la pensée anglaise ! Ses admirations, qui ne sont point des engouemens ont toujours eu quelque chose de juvénile ; et il a conservé le don de l’enthousiasme, ou du moins de la surprise émerveillée, sous ses cheveux blancs comme au temps de sa jeunesse. Il est resté jusqu’au bout « l’écolier » des hommes qui l’avaient charmé, mais un écolier très indépendant comme ceux qui se choisissent leurs maîtres et qui n’obéissent, en les suivant, qu’à leur propre inclination. De nos grands écrivains du règne de Louis XIV, il est le seul qui n’ait pas eu la superstition des Anciens. Les autres les ont d’abord admirés de confiance et par discipline, avant de les admirer en émules et en maîtres ; et il en a subsisté, dans leur déférence, je ne sais quoi qui sent un peu le collège. Mais La Fontaine les a rencontrés sur la route de la vie ; et il s’est comporté à leur égard de la même façon qu’envers ses protecteurs, avec un mélange de respect et de familiarité. Lorsque la fameuse querelle éclatera, il se rangera de leur côté, et il paraîtra grand seigneur dans cette lutte où Perrault et Boileau se provoquent en brandissant un Homère qu’ils ne comprennent ni l’un ni l’autre. Il sera discret, courtois, et il dira ce que ni Boileau, ni Racine, ni La Bruyère n’oseraient dire : « Les Anciens, c’est nous ! » Il ne le dira pas précisément ; mais il écrira son apologie, la plus spirituelle et la plus habile des apologies. Que les pédans argumentent ! Ce qui l’intéresse dans les Anciens, c’est le plaisir qu’ils lui ont donné et les avantages qu’il en a retirés. Polyphile est comme les dilettantes : il ramène tout à lui.

Pour revenir à sa vie, je passerai très rapidement sur son mariage. L’histoire en est suffisamment connue. Il a quitté sa femme et s’est très peu soucié de son « marmot, » à qui cependant il avait eu l’idée de rapporter du Limousin « un beau petit chaperon pour le faire jouer et pour lui tenir compagnie. » Mais nous ne saurons jamais si le petit La Fontaine a eu son chaperon, pas plus que nous ne saurons si l’ami Poignant a consolé Mme de La Fontaine. Il faut se résigner à ignorer bien des choses en littérature.

En revanche, on pourrait, sans dommage, élaguer toutes les anecdotes parasites qui dissimulent les traits les plus caractéristiques de sa figure. Je ne le vois point sous ceux d’un grand enfant ou d’un bonhomme. C’est un mondain. Il le fut beaucoup