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gouverneur était, à l’époque, un nègre représentant de l’apôtre Sekou-Hamadou et de ses Peuhls, alors maîtres du pays, depuis Djenné. Les marchands lui obéissaient ainsi qu’au Bekkaï descendant de Sidi-Yahia. Ils acceptaient, sans combat, de payer mille redevances aux Touareg écumant les rives du fleuve et le port de Kabara, par crainte de voir interrompre les relations avec Djenné, d’où provenaient toutes les matières d’échange, et une bonne partie de l’alimentation. Quatorze jours, René Caillé logea chez des Maures en correspondance avec les exportateurs de Djenné. Il y demeura dans les transes. La joie et la vie de Djenné, son mouvement commercial ne l’avaient guère préparé à ce deuil. Sa maison est intacte, pourvue d’une inscription et d’une date comme celle où, deux années avant lui, le major Laing avait reçu l’hospitalité, sous un faite à merlons, derrière une façade bise ornée de contreforts, derrière un volet découpé en arabesque dans la lucarne surmontant le porche. M. Bonnel de Mézières relate, dans un livre documentaire et scrupuleux, ce voyage de l’Écossais, parti de Tripoli, le 17 juillet 1825, avec une caravane que conduisait le sheik Babani, qu’il mena dans Ghadamès et In-Salah, à travers l’Azouad où une horde de Touareg Hoggar se joignit à eux pour sabrer Laing pendant la nuit, en vingt-quatre endroits. L’auteur a rétabli la succession des faits qui rendirent au major le séjour de Tombouctou si agréable d’abord, parmi les lettrés Kounta, si dangereux ensuite, et à tel point qu’il ne put se rendre, sauf de nuit, à Kabara. Rien de plus curieux que ce livre pour le lecteur qui veut se faire une idée de la politique saharienne. Soudain le sultan toucouleur de Bandiagara menace les notables de Tombouctou. Il jettera sur eux tout un peuple de musulmans courroucés, si le chrétien ne quitte pas la ville. Laing doit reprendre la route du Nord. A peine a-t-il couvert la distance de trente milles, un peloton de Berabichs le rejoint dans l’astulé où il se repose, le somme de se faire musulman, et le tue, dès sa réponse évasive. On brûle, en se bouchant le nez, ses carnets, ses livres, pièces de sorcellerie.

Barth, en septembre 1853, fut, à Tombouctou, souffrir de ses fièvres. Il dut rester sept mois dans sa maison, souvent assiégée par les factions. Aussi avait-il bâti sur la terrasse une chambre d’argile. De là ses boys, à coups de fusil, protégeaient sa retraite, tandis qu’il fuyait dans la brousse, par l’escalier de