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furent pas suivis, mais parce que, dès ce moment, le terrorisme naissant avait condamné le Roi et la Reine et dans leur personne la royauté des Bourbons ; il n’était plus temps pour frapper d’appel cette sentence, et aucune marche politique n’aurait pu en empêcher l’exécution.

Sur ce qui se passa à la suite du voyage, il avait régné jusqu’à ce jour une certaine obscurité à la faveur de laquelle la calomnie s’est exercée contre la Reine et contre Barnave. La Reine était accusée d’avoir songé tout d’abord à appeler à l’aide de la cause royale les armées étrangères et Barnave de s’être prêté à ses desseins. Grâce à leur correspondance qui est maintenant sous nos yeux, nous sommes mieux informés. S’il y a eu de la part de Marie-Antoinette une tentative pour obtenir les secours armés de l’extérieur et par eux la délivrance du Roi et de sa famille, cette tentative ne s’est produite qu’après que ces infortunés eurent épuisé en vain tous les moyens pacifiques de salut.

Dans ses entretiens avec Barnave, la Reine, séparée de tous ses amis et notamment de Fersen, le plus dévoué d’entre eux, avait sollicité des conseils ; Barnave s’était engagé à en donner. Rentrée à Paris, elle n’hésite pas à rappeler à son compagnon de voyage, par l’entremise d’un homme sûr, l’engagement qu’il a pris ; comme il s’est déclaré prêt à le tenir, elle écrit :

« Ayant bien réfléchi depuis mon retour sur la force, les moyens et l’esprit de celui avec lequel j’avais beaucoup causé, j’ai senti qu’il n’y avait qu’à gagner à établir une sorte de correspondance avec lui, en me réservant cependant, comme première condition, que je dirai toujours franchement ma manière de penser, que je louerai ce que je trouverai bien, et blâmerai de même ce que je trouverai mal. Cette condition posée, notre correspondance commence ci-après. Je numéroterai chaque papier ; on me rapporte toujours le mien et l’agent employé écrit toujours la réponse sous la dictée. Ainsi il ne peut y avoir d’inconvénient d’écriture trouvée et reconnue. » C’est à l’intermédiaire en qui elle a confiance qu’elle fait part des précautions qu’elle a prises pour assurer le secret de cette correspondance ; elle le charge ensuite d’un premier message pour Barnave, lequel, est désigné par une initiale et un numéro M, 2 ; 1.

« Je désire… que vous lui disiez que frappée du caractère et de la franchise que je lui ai reconnus dans les deux jours que