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dernière, la tentative de fuite, l’avait exposé à perdre sa couronne. Il était cependant encore possible de la lui conserver, mais c’était à la condition que lui et la Reine s’attacheraient à se réunir d’intérêt et de confiance avec la majorité de la nation. Le peuple français voulait la Constitution nouvelle ; il importait donc que le Roi n’hésitât pas à y souscrire et qu’il le fit de telle sorte qu’on ne pût mettre en doute la volonté de l’observer. Ceci fait, il conviendrait qu’il intimât à ses frères et aux émigrés l’ordre de rentrer. Il serait en outre à souhaiter que, par un acte quelconque, l’empereur d’Allemagne, en reconnaissant cette Constitution, manifestât de la manière la plus claire ses intentions amicales et pacifiques envers la France. Si la Reine contribuait à obtenir ce résultat, la nation lui en saurait gré. « Voilà l’objet, ajoutait Barnave, dont le Roi et la Reine doivent être actuellement occupés. Il faut qu’ils agissent auprès des princes et auprès de l’Empereur, afin que ces vues réussissent, soit par leurs efforts, soit par ceux qui pourraient être tentés d’ailleurs et que tout l’avantage puisse leur être attribué. » C’était, selon lui, l’unique moyen pour le Roi et la Reine de recouvrer la confiance du pays. Ils ne pourraient ni adopter d’autres idées, ni s’éloigner de cette marche sans se perdre ; ils devraient surtout renoncer à sortir de France et faire entendre de tous côtés qu’ils y avaient renoncé.

Il suffit de regarder de près à ces conseils pour comprendre l’impossibilité pour le Roi et la Reine de les mettre en pratique. Néanmoins, la Reine ne les repoussa pas. Pour ce qui regarde l’Empereur son frère, elle faisait remarquer qu’elle en était séparée depuis vingt-six ans et que son influence sur lui était nulle. Elle croyait qu’il était poussé, par son intérêt personnel, dans une voie très différente de celle où le Comité souhaitait de le voir entrer. Elle ne refusait pas cependant de lui écrire, si l’on supposait que cette démarche pût être utile. Quant aux princes frères du Roi, la difficulté de les faire revenir à Paris était plus grande encore. Le Comte de Provence, bien loin d’avoir cette intention, venait, d’accord avec le Comte d’Artois, de prendre le titre de régent en raison « de la captivité du Roi et du Dauphin, » et il s’efforçait de se faire reconnaître en cette qualité par les puissances étrangères. Elles répondaient à sa demande par un refus net et catégorique. L’empereur d’Allemagne justifiait le sien en ces termes :